
Mauvais départ pour Campus France. Après deux mois d’activité, cette nouvelle agence, créée par le précédent gouvernement et dont l’objet est de promouvoir l’enseignement supérieur français dans le monde, multiplie les ratés dans l’accueil des étudiants étrangers. Ses prétentions financières et la qualité discutée de ses prestations, auxquelles s’ajoutent la politique restrictive de visas et les tracasseries administratives faites aux étudiants étrangers non européens, ne sont-elles pas plutôt en train de les faire fuir ?
"L’ambassade de France à Tripoli ne délivre plus, depuis des mois, de visas à nos étudiants au motif que mon gouvernement refuse de traiter avec la nouvelle agence Campus France. C’est un chantage inacceptable pour un Etat souverain", tempête Abdallah Sassi, conseiller culturel de l’ambassade de Libye à Paris, dont le pays envoie, chaque année, 300 étudiants en France. Les tarifs de Campus France sont beaucoup plus chers : 1 000 euros par an et par étudiant, contre 600 euros en passant par le Cnous (Centre national des œuvres universitaires et sociales) pour des services en baisse.
L’accueil de Campus France est en effet "dématérialisé", avec une assistance à distance, par mail. A la descente d’avion, l’étudiant vietnamien, chinois ou kirghize est invité, par écrit, à se rendre au guichet de poste où l’attend un mandat de 600 euros, en liquide. A lui de se débrouiller !
"Nous avons besoin, pour nos boursiers, d’un accueil à l’arrivée, d’un accompagnement [...] pour répondre aux multiples imprévus qui se posent à des populations jeunes, peu francophones et habituées à un encadrement à visage humain, personnalisé. C’est une question de culture", déplorait le 27 juillet Alshiabani Abuhamoud, ambassadeur de Libye en France. Son gouvernement a donc décidé de ne pas céder au chantage des visas et de gérer en direct les bourses d’études qu’il accorde, sans passer par Campus France, dont l’intervention n’est d’ailleurs nullement obligatoire. (...)
D’autres pays ou clients ne souhaitent pas ou plus passer par Campus France : le Chili, l’Arabie saoudite, l’Azerbaïdjan, le programme Cumex d’un consortium d’universités mexicaines, la Bolivie, l’Algérie pour les boursiers qu’elle finance. Certains hésitent, comme la Thaïlande ou l’Argentine, ou manifestent seulement leur mécontentement, comme l’Irak, le Burkina Faso, le ministère de l’éducation du Mexique, le Gabon.
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L’Assemblée des directeurs des instituts universitaires de technologie (ADIUT) – qui attirent chaque année 1 000 étudiants venus, notamment, du Vietnam, du Gabon, du Cameroun ou de Thaïlande – se rebiffe : "Il est inacceptable que Campus France nous impose des tarifs deux fois plus élevés que le Cnous avec lequel notre partenariat permettait, en outre, d’associer efficacement accueil et hébergement. Nous refusons donc ces nouvelles conditions et avons décidé de nous occuper directement de ces boursiers", s’insurge Patrick Donnet, chargé de mission internationale de l’ADIUT. (...)
Alors que Campus France s’attendait à recueillir, dès septembre 2012, les 13 000 dossiers de boursiers gérés par le Cnous, il n’a, pour le moment, récupéré que les 5 800 dossiers des étudiants en cours de cursus, faute de convaincre tous ses autres clients de lui confier les nouveaux dossiers (...)