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COVID : la colère en prime – opposition des soignant·es aux primes COVID
Collectif Hôpital Ouvert
Article mis en ligne le 12 mai 2020

(...) A la mi-avril, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons tou·tes, le gouvernement annonce aux soignant·es des « primes COVID ». Loin de nous réjouir, ces primes nous choquent et nous humilient. Nous nous y opposons et refusons tout ce qu’elles représentent. (...)

Ces derniers temps, le monde hospitalier a connu deux mobilisations notables, en réponse à deux crises différentes.

La première mobilisation a fait face à une crise structurelle et elle dure depuis des années. À travers la constitution de collectifs, de nombreuses grèves, et des démissions administratives, le personnel hospitalier était unanime : les politiques d’austérité mises en place par les gouvernements successifs mettent l’hôpital en danger. Des moyens, humains et financiers étaient sollicités mais le gouvernement faisait la sourde oreille et réprimait nos manifestations. Les travailleur·ses de la santé, eux, palliaient les manquements de l’État pour que les patient·es n’en fassent pas les frais.

La deuxième mobilisation fait face à une crise sanitaire et dure depuis plus de deux mois. Pour affronter la pandémie du Coronavirus, le monde hospitalier s’est réorganisé, renforcé, et nous avons tou·tes, directement ou indirectement, agi avec la population afin que les victimes soient les moins nombreuses possible. Pendant que le gouvernement et les instances dirigeantes administratives étaient débordées par la situation, les services se sont très rapidement transformés et adaptés localement et spontanément. Cependant, bien nombreux·ses ont été les acteur·trices de soins à avoir souffert du manque de réactivité du gouvernement pour soutenir sa population et ses hôpitaux, cette fois en condition d’urgence.

Le 15 avril, Édouard Philippe annonce une prime exceptionnelle pour les soignant·es mobilisé·es dans cette crise sanitaire.

Cette annonce ne nous réjouit pas. Au contraire, elle nous offense et nous scandalise. (...)

Cette prime est une réponse ponctuelle à la crise sanitaire et permet au gouvernement d’occulter la nécessité de répondre à la crise structurelle que connaît notre Hôpital. Après le mois de mai, donc, retour à la situation antérieure, c’est-à-dire à une situation critique.

Par ailleurs, nous, soignant·es de l’hôpital public, nous sommes des fonctionnaires d’État, et à ce titre, travaillons à une mission de service public, en l’occurrence le soin. Notre mission est indépendante de la charge de travail, physique ou psychologique qu’elle implique. Aussi, notre actuelle mobilisation n’a rien d’héroïque, elle fait partie intégrante de notre engagement professionnel. Nous ne la menons pas par motivation financière, mais par engagement social et humain. Vouloir y répondre par une gratification monétaire est un affront que nous fait le gouvernement.

La tendance est à l’héroïsation des travailleur·ses de la santé. Et cette prime va dans ce sens. Héroïser de façon ponctuelle notre engagement, c’est finalement nier celui que nous apportons quotidiennement, indépendamment de cette crise sanitaire, pour pallier la crise sociale dont l’État est responsable. (...)

Gratifier financièrement les soignant·es, les récompenser, c’est, de la part du gouvernement, se donner le beau rôle. Une position trop facile après nous avoir ignoré·es et humilié·es lorsque nous nous battions pour notre hôpital.

Bien sûr, l’annonce de cette prime a pu être vécue positivement par les plus précaires d’entre nous, ceux et celles pour qui cette somme représentait une bouffée d’oxygène. Cela révèle à quel point leur salaire habituel est insuffisant et renforce l’idée selon laquelle le besoin n’est pas à une gratification ponctuelle mais à une revalorisation durable, en l’occurrence, des salaires hospitaliers les plus bas. Ne nous méprenons pas, la honte n’est en aucun cas à celles et ceux qui accepteraient ces primes, mais à ce gouvernement qui ose la proposer comme réponse unique à une précarisation progressive de l’hôpital public et de ses travailleur·ses. (...)

Pour toutes ces raisons, nous sommes opposé·es à ces primes, et refusons tout ce qu’elles représentent. Nous profitons de ce texte pour réitérer les revendications de revalorisations humaines et financières de l’hôpital public, indispensable à son bon fonctionnement et à la prise en charge de ses patient·es. Le temps n’est pas à la construction d’héros ou d’héroïnes mais au soin de la population, de ses précaires, et donc, aux services publics qui garantissent ce soin.