
(...) Journalistes et commentateurs se sont étonnés – certains faisant mine de s’étrangler – des déclarations de John Kerry dans la presse : « ce ne sera certainement pas un traité (…) et il n’y aura pas d’objectifs de réduction juridiquement contraignants comme cela avait été le cas à Kyoto » a affirmé le secrétaire d’Etat américain dans le Financial Times. Il n’y a pourtant rien de surprenant, puisque Kerry exprime à travers ces mots une position constante de la diplomatie américaine à ce sujet : les Etats-Unis ne veulent pas ratifier un texte international qui institue une contrainte légale internationale qui pourrait leur être opposée en matière de réchauffement climatique.
(...) les Etats ont déterminé au niveau national, en fonction de leurs propres situations et désirs, des contributions nationales (INDCs dans la novlangue de l’ONU) qui ne pourront leur être opposées sur le plan du droit international.Ainsi, à la contrainte juridique, seule à-même d’instituer une contrainte et un engagement politique forts, il est préféré une déclaration d’intention sans valeur légale internationale. Quand François Hollande affirme que « les engagements qui ont été pris devront être tenus et respectés », c’est peut-être un souhait présidentiel, mais aucunement la traduction orale d’un dispositif légal dans le cadre des négociations.
Explications. L’accord de Paris comporte trois dimensions principales :
un nouvel instrument juridique qui prendra la suite du protocole de Kyoto après 2020 et qui fixe les principes et les mécanismes qui organiseront les négociations à partir de 2020 ;
un second texte classique, similaire à tous les textes de fin de COP, qui répertorie le travail effectué dans le processus de négociations et précise toute une série de décisions qui n’ont pas la valeur d’un traité international contraignant : c’est ici qu’il sera mentionné que la COP21 « accueille avec bienveillance » les contributions nationales des Etats que ces derniers ont rendu public en 2015 ;
une série d’annexes et de textes complémentaires, sans aucune force légale, qui comprendront notamment le contenu des contributions nationales des Etats ;
Des inventaires plutôt que des clauses de révision à la hausse (...)
Entre l’impératif du « shall » et les incertitudes d’une formule telle que « visant à », on voit très clairement la faible portée juridique et contraignante des engagements pris. Les contributions nationales des Etats n’auront donc aucune fore légale (...)
Certains commentateurs, qui se présentent comme des spécialistes des négociations sur le réchauffement climatique, ne cessent d’affirmer que « les Etats-Unis n’ont jamais ratifié des accords qui prévoient des clauses avec sanctions » et qu’il ne faut donc pas être surpris. D’autres affirment que la contrainte juridique n’est pas l’essentiel et qu’il faut se concentrer sur l’efficacité pratique des mécanismes. C’est oublier un peu vite qu’il existe au niveau international de puissantes contraintes légales – dont les Etats-Unis sont d’ardents promoteurs – et qui ont été fixées dans le cadre des accords de libéralisation du commerce et de l’investissement. En cas de non respect des règles ratifiées, es Etats peuvent être attaqués par d’autres Etats via l’Organe des Règlements des différends de l’OMC ou par des multinationales via les tribunaux d’arbitrage prévus par ces Traités.