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Bosnie : des scientifiques mobilisés contre la destruction d’un fleuve sauvage
Article mis en ligne le 23 juillet 2022

La Neretva, rivière sauvage de Bosnie-Herzégovine, est menacée par la construction de soixante-dix centrales hydroélectriques. Les scientifiques prêtent main forte aux ONG afin de préserver une biodiversité exceptionnelle.

Les paysages comme ceux de la Neretva sont devenus rares sur notre continent. « Je travaille dans l’écologie des eaux douces depuis vingt-cinq ans et je n’ai vu ça nulle part ailleurs, dit Gabriel Singer, professeur en écologie fluviale à l’université d’Innsbruck en Autriche. C’est un endroit unique, surtout quand je pense à l’étendue de la forêt ancienne qui borde la rivière… À cette altitude, ce type de rivière présente normalement un couloir fluvial trè

s contraint. Ici, la rivière forme plusieurs chenaux et crée une multitude d’habitats. » Avec son système fluvial quasi intact, la haute vallée de la Neretva s’apparente à un laboratoire paradisiaque pour les spécialistes des cours d’eau. (...)

L’originalité de cet écosystème interpelle la cinquantaine de scientifiques qui explorent la faune et la flore de cette région méditerranéenne. Venus de sept pays différents, des biologistes de toutes les spécialités ont répondu à l’appel des ONG Riverwatch et Euronatur pour participer à une « semaine scientifique » exceptionnelle. De jour comme de nuit, les insectes, les mammifères, ainsi que les plantes et les caractéristiques physiques de la vallée sont passés au peigne fin : la région est encore largement inexplorée. (...)

L’originalité de cet écosystème interpelle la cinquantaine de scientifiques qui explorent la faune et la flore de cette région méditerranéenne. Venus de sept pays différents, des biologistes de toutes les spécialités ont répondu à l’appel des ONG Riverwatch et Euronatur pour participer à une « semaine scientifique » exceptionnelle. De jour comme de nuit, les insectes, les mammifères, ainsi que les plantes et les caractéristiques physiques de la vallée sont passés au peigne fin : la région est encore largement inexplorée. (...)

Un bon indicateur d’une rivière en bonne santé, c’est une forte biodiversité, et c’est ce qu’on peut déjà voir ici. » En témoigne, les quantités de papillons qui volettent sur les berges, ou encore les nombreuses écrevisses autochtones qui parsèment le lit de la rivière.

Si autant de chercheurs sont mobilisés, c’est qu’il y a urgence pour la Neretva. Pas moins de soixante-dix centrales hydroélectriques pourraient être bientôt construites sur le bassin versant de ce fleuve de 225 kilomètres de long, dont 44 sur sa partie montagneuse. Des barrages entraînant une transformation irréversible de l’écosystème, selon les scientifiques. (...)

Des centaines de minicentrales hydroélectriques ont été construites ces dernières années sur les rivières des Balkans, laissant bien souvent des kilomètres de cours d’eau à sec. (...)

Grâce aux découvertes des scientifiques, les ONG environnementales espèrent contester la légalité des projets de barrages prévus en amont de la Neretva, en s’appuyant sur le statut de protection d’espèces clés. (...)

Plusieurs scientifiques présents sur la Neretva travaillent, ailleurs en Europe, sur les projets de restauration des cours d’eau abîmés par l’industrialisation. Les systèmes fluviaux dynamiques comme celui de la Neretva peuvent leur servir d’inspiration, voire de modèle. (...)

Comme l’a encore rappelé le dernier rapport de l’IPBES [1], le « Giec de la biodiversité », paru le 8 juillet dernier, la survie de l’humanité dépend également de celle de quantités d’espèces sauvages. Alors que plus d’une espèce vivante sur huit (soit 1 million) pourrait disparaître de la surface du globe dans les prochaines décennies, les ONG mobilisées pour la Neretva appellent à la préservation des derniers milieux naturels du continent européen. (...)

Malgré ses effets sur les écosystèmes et malgré la crise de l’eau, l’hydroélectricité bénéficie encore souvent d’une image verte et renouvelable. Dans le contexte de « crise énergétique » liée notamment à la guerre en Ukraine, certains industriels et dirigeants politiques en vantent à nouveau les mérites pour réduire les émissions de CO₂. Une absurdité pour Ulrich Eichelmann. « Il faut réduire la consommation et investir dans les énergies renouvelables du futur. L’hydroélectricité est la forme d’énergie la plus ancienne et toutes les rivières d’Europe sont déjà surexploitées avec plus de 28 000 centrales hydroélectriques enregistrées en Europe… Assez de destruction ! Il faut arrêter de retirer l’eau aux gens et aux animaux qui en dépendent. Les oiseaux, les loutres, les poissons… Où doivent-ils aller ? » En quelques jours de travail, les scientifiques ont multiplié les découvertes (...)

Des découvertes utiles aux ONG qui espèrent faire de l’amont de la Neretva un parc national, et ainsi préserver cette biodiversité exceptionnelle.