
Avec le soutien de la chambre d’agriculture, un collectif d’exploitants a lancé des études pour le creusement dans le Puy-de-Dôme de deux des plus grandes retenues d’eau de France. Les céréaliers assurent qu’ils emploieront des techniques moins contestées qu’à Sainte-Soline, mais ils peinent à convaincre des opposants nombreux et motivés.
BillomBillom (Puy-de-Dôme).– Dans la salle de réception de la mairie de Billom, commune de 4 800 habitant·es dans le centre du Puy-de-Dôme, c’est le branle-bas de combat. En ce mardi 13 juin, la cinquième assemblée plénière du collectif « Bassines non merci 63 » réunit plus de 80 personnes – sur environ 200 membres – pour coordonner l’opposition au creusement de deux mégabassines dont le projet, porté par un collectif d’agriculteurs locaux, a été dévoilé fin février.
« Il est clair pour nous que l’eau est un bien commun qu’il faut protéger de l’accaparement par quelques-uns », clame Jacky Grand, conseiller municipal au sein de la mairie communiste et conseiller départemental. « On ne peut pas faire de concessions, sinon, ça veut dire accepter une agriculture intensive, qui n’est pas dédiée à nos besoins, à l’alimentation des habitants d’un territoire », explique Gaëlle, une militante écologiste.
Mais l’heure n’est pas aux discours. Elle est à l’organisation. Écolos, activistes de partis de gauche, paysans, représentants d’associations, simples citoyens… Tous doivent se mettre d’accord pour entériner les modes de fonctionnement du collectif, examiner l’activité des différents comités déjà constitués : milieux naturels, agriculture, réglementation, communication, action.
Le projet, conçu par l’association syndicale libre (ASL) Les Turlurons – du nom de deux collines des alentours de Billom – avec l’aide de la chambre départementale d’agriculture, prévoit l’installation sur des terres agricoles d’une bassine de 15 hectares et d’une capacité de 1,05 million de mètres cubes d’eau à Bouzel, et d’une autre à Lignat de 18 hectares et 1,25 million de mètres cubes d’eau – qui serait la plus grande de France. L’ensemble doit permettre l’irrigation de 800 hectares de terres appartenant à 36 agriculteurs répartis sur 15 communes. Le dossier doit être déposé en septembre à la direction départementale des territoires (DDT). (...)
La crainte d’une multiplication des pompages (...)
Au-delà des controverses sur les enjeux techniques du projet, ses détracteurs déplorent surtout la recherche d’une solution à court terme pour un petit nombre d’exploitants, qui passe à côté du véritable défi de l’adaptation du monde agricole au dérèglement climatique. « C’est un pansement sur une jambe de bois, synthétise Claire Bonneviale. L’argent investi dans ces projets devrait aller à une restructuration des modèles de production. Chez Greenpeace, nous prônons une économie de la ressource en eau et une diminution de la dépendance de l’agriculture à l’irrigation. » (...)
« Il s’agit d’un projet industriel fait par des industriels, en aucun cas d’un projet monté par des paysans ». Ludovic Landais, de la Confédération paysanne (...)
L’ASL Les Turlurons doit encore finaliser plusieurs études avant de remettre son projet à la DDT, pour espérer, si elle obtient le feu vert, commencer des travaux début 2025 et effectuer la mise en eau à l’hiver 2025-26. Il lui reste donc encore un peu de temps pour convaincre ses détracteurs et éviter une confrontation façon Sainte-Soline. Pour cela, « il faut que des garanties soient apportées noir sur blanc », notamment sur la diversification des cultures, souligne Delphine Lingemann.
« On ne pourra régler cela que dans la transparence et la concertation », insiste André Chassaigne, qui se propose pour une médiation. Des démarches étaient en cours pour une rencontre entre représentants de l’ASL et de Bassines non merci 63.