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la vie des idées
Aux origines de l’État-providence
Article mis en ligne le 27 octobre 2019
dernière modification le 25 octobre 2019

La notion d’État-providence connaît un destin paradoxal dans la pensée politique française. Chacun se plaît à souligner les ambiguïtés du terme, mais chacun se trouve dans l’obligation d’y recourir pour rendre compte des fonctions de solidarité de l’État.

dans l’histoire traditionnelle des idées politiques en France, la notion d’État-providence est une expression péjorative, inventée par les libéraux au cours du Second Empire pour dénoncer un État omnipotent inhibant le développement des initiatives individuelles et collectives et se substituant de manière illégitime aux solidarités traditionnelles. (...)

Jusqu’aux années 1970, l’expression est encore fort peu usitée, dans le domaine des politiques sociales. Les Français recourent plutôt aux notions de solidarité, de sécurité sociale ou de protection sociale. Il faut mettre au compte de Pierre Rosanvallon, dans un ouvrage fort lu et fort commenté, La crise de l’État-providence (1981), la reprise du terme en lui accordant un sens positif. Tout en soulignant l’origine libérale du terme, Rosanvallon justifie sa réappropriation en argumentant qu’il n’est plus légitime d’opposer État-gendarme et État-providence, le second n’étant, selon ses termes, qu’« une extension et un approfondissement » du premier. Bien que des critiques, fort nombreuses se soient élevées contre la réintroduction du terme en raison de son origine et de ses ambiguïtés, l’expression s’est largement ancrée dans le langage public et dans le langage expert (...)

Cependant, la thèse de l’origine libérale de l’expression est-elle fondée ? Si tout le monde semble se satisfaire d’une analyse qui légitime nos préventions vis-à-vis d’un terme maladroit, combinant la notion politique d’État et la notion religieuse de providence, la thèse n’a guère fait l’objet de tentative de « falsification » (au sens de Popper). Les progrès de la numérisation des textes historiques et la mise à disposition des textes par le site Gallica de la BNF, permettent aujourd’hui de jeter un regard nouveau sur les origines de cette expression. (...)

dès l’origine, l’expression revêt des significations opposées. Au cours de la Révolution de 1848 et de la Seconde République, les économistes libéraux la manient pour dénoncer la politique sociale et interventionniste du gouvernement provisoire. Certains leaders socialistes l’utilisent également de manière négative pour dénoncer l’aliénation politique des ouvriers. En revanche, les insurgés ouvriers tout autant que les élites politiques qui se soulèvent contre la Monarchie de Juillet revendiquent l’édification d’un État social et interventionniste. L’expression est encore rare, mais elle est expressément formulée par les deux camps. Dès l’origine, l’expression est porteuse de sens opposés.