
Il existe un enjeu considérable dans le contrôle de l’art : priver l’art et les artistes d’une énergie qui génère une subversion naturelle.
L’art est l’espace de la puissance individuelle, ce contrôle est donc une attaque directe contre la force créative de tous les humains
Contrôler mais Pourquoi ?
Parce que l’homme qui illumine sa vie grâce à la pratique d’un art accède à une certaine autonomie. Non pas de cet art de fabrication d’objets (aussi beaux soient-ils), non pas de cet art référencé « officiellement » par l’idéologie du moment, non pas de cet art publicitaire et commercial, mais de l’art qui implique une mise en mouvement de la sensibilité, de l’observation, et de la quête d’un équilibre en toute chose dans notre environnement extérieur et intérieur. La démarche artistique est avant toute chose un art de vivre qui fait naître une civilisation équilibrée et naturellement intégrée.
La pratique artistique est le moyen d’incarner cet art de vivre dans des œuvres de l’esprit, mais avec un corps : l’oeuvre. Les oeuvres que nous réalisons sont importantes comme témoin de cet art de vivre.
L’art procure à l’individu une réappropriation complète ou partielle de son corps. Il met en mouvement des facultés mentales et spirituelles individuelles. Il donne un regard particulier à ceux qui, sans lui, ne vivraient que dans des routines ou la pensée unique. (...)
Lentement mais sûrement, au cours des siècles, l’art a progressivement quitté l’artisanat. Après un dernier baroud d’honneur à la fin du XIXe siècle avec le formidable mouvement de l’Art nouveau, les politiques, les financiers ont profité de la première guerre mondiale pour user le dernier lien qui existait entre les productions d’objets et l’art en invoquant la modernité : dorénavant, le monde ne sera plus un organisme vivant (dans lequel la beauté, l’art ; l’équilibre jouent un rôle central), il sera une machine rationalisée à l’extrême. Ce travail sera achevé par la deuxième guerre mondiale.
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La financiarisation des œuvres : en amenant jusqu’à la folie la spéculation dans l’art, les riches ajoutent un paramètre très perturbant dans les consciences : la dimension sensible, le rôle relationnel de l’art est ringardisé par la disproportion de la « valeur ».
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de peur d’être ringardisés la plupart des gens se sont détournés de l’art. Cerné par les écrans, par le divertissement sans art, par des objets sans art, par un temps sans art (privé de contemplation), l’homme sans art ne sait même plus ce qu’est une vie riche, créative. Ce processus terrible se passe dans une inconscience généralisée
C’est donc une rupture totale avec ce qui fonde nos civilisations, nos savoir-faire. Cette abstraction désincarnée, en prise directe avec la fascination symbolique de la célébrité et de l’argent engendre une destruction radicale de la conscience humaine. Tout en faisant croire que l’art existe toujours, l’oligarchie tente (et y arrive souvent) de priver progressivement l’humanité du sens du beau, de l’unité, de l’envie d’apprendre, de transmettre, et de la joie de partager. L’œuvre ce mot convient-il ? Disparaît derrière un système de représentations codifiées appelées : « création ». (...)
Me revient en mémoire le regard attentif et joyeux d’une vieille dame qui dosait les ingrédients d’une soupe de légumes, après avoir lentement caressé ces mêmes légumes. Cela a représenté un moment théâtral, pictural, odorant, musical d’exception.
A mes visiteurs et à mes élèves, j’aime dire : Sans doute plus peintre que vous, je ne suis pas plus artiste que vous. En faisant le premier pas sur le chemin de la pratique de l’art (de vivre), vous commencez à rendre le monde meilleur et libre, quelles que soient vos oeuvres.
La perte des valeurs portées par les pratiques artistiques naturelles, représente une menace majeure pour l’humanité. Ce processus de privatisation de l’organisation de l’art et de la culture est aussi grave que la privatisation de la monnaie par la FED et la BCE. C’est pour l’oligarchie une approche de domination supplémentaire.