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Mediapart
Au procès des attentats du 13-Novembre : « On n’est pas sur une scène de crime, c’est une scène de guerre »
Article mis en ligne le 17 septembre 2021

Trois chefs de groupe de la Brigade criminelle ont détaillé leurs constatations sur les scènes de crime du 13-Novembre. Des vidéos de l’attaque du café À la Bonne Bière ont été visionnées.

« Elle est très violente cette vidéo parce que derrière les images que vous allez voir, il y a cinq personnes qui vont être assassinées », prévient le commandant de police à la barre.

Costume sombre, abondante barbe grisonnante cintrée par un masque chirurgical, ce policier, qui dépose devant la cour d’assises sous le code « BC037 », est l’un des chefs de groupe envoyés par la Brigade criminelle sur les scènes de crime du 13-Novembre. Ce soir-là, il est arrivé à 23 h 15 à l’angle des rues du Faubourg-du-Temple, de la Fontaine-au-Roi, et de la Folie-Méricourt, où le mitraillage des terrasses du café À la Bonne Bière et de la pizzeria Casa Nostra a fait cinq morts et huit blessés en urgence absolue.

Il témoigne avec des plans, des photos, et des vidéos.

« La séquence que je vais vous présenter dure 35 secondes, poursuit le policier. Je ne ferai pas d’arrêt sur image. » (...)

C’est une caméra de vidéosurveillance de la Ville de Paris, juchée sur un poteau positionné en bas de la rue du Faubourg-du-Temple, qui a filmé l’attaque de ces terrasses. « À 21 h 26, selon l’horloge de la caméra, on voit se stationner ici le véhicule des auteurs », explique le commandant BC037 sur un plan du carrefour. Il pointe le début de la rue de la Fontaine-au-Roi. « Deux secondes plus tard, on va voir trois personnes en descendre. Deux vont aller vers la terrasse tout en ouvrant le feu, un autre va aller vers le restaurant. Ce dernier sort du champ, mais on verra par les étincelles qu’il est en train de tirer. » La caméra est pivotante, expose le policier, donc on perdra de vue la scène un instant, le temps de voir un homme fuyant les tirs au milieu du boulevard. « Si des gens veulent sortir, ils peuvent le faire », avertit encore le président Jean-Louis Périès. (...)

« Ce sont des armes automatiques, analyse l’enquêteur. Ça va très vite. Quand ils tirent, c’est en rafale, c’est calculé. Il faut être bon tireur, parce que la trajectoire des balles tend à remonter. Tous les tirs sont maîtrisés et ils ont atteint les gens sur les terrasses. C’est tiré à hauteur d’homme. Ils ont maîtrisé leur action parfaitement. » (...)

Le policier reprend la liste de ses constatations, les tueurs ont aussi tiré autour d’eux partout, dans toutes les directions. Il y a des impacts sur des voitures, les vitrines des commerces alentour… Une balle traverse la boulangerie voisine et vient se loger à l’intérieur d’un frigo. Une deuxième vidéo est présentée. Elle provient d’une caméra de surveillance installée à l’intérieur du Casa Nostra. « Nous allons voir ce que les victimes ont vu, les tirs face à eux, et face à nous », résume l’enquêteur. La SEAT s’arrête face au restaurant, et le commando en sort sans serrer le frein à main. Aussi la voiture roule jusqu’au trottoir, qui la fait rebondir légèrement.

Des tirs explosent les vitres du restaurant. L’objectif de la caméra de surveillance semble crépiter, comme touché par des éclats. Des clients se ruent à l’intérieur. Un homme se jette à terre. Une femme s’agenouille derrière la porte. À l’extérieur, le tireur, c’est le troisième homme qui n’apparaissait pas sur la première vidéo, contourne la terrasse du restaurant. On l’aperçoit à l’extérieur, qui braque son arme en direction d’une cible, et tire rue de la Folie-Méricourt. Puis il revient vers le restaurant, braque à bout portant son fusil sur une personne cachée sous une table. Le coup ne part pas, il se détourne, et rejoint la SEAT. Le commando repart, direction l’avenue Parmentier, puis le boulevard Voltaire et la rue de Charonne.

Deux autres chefs de groupe de la Brigade criminelle exposent leurs constatations sur des scènes de crimes du croisement des rues Alibert et Bichat [la terrasse du Carillon et du Petit Cambodge], l’attaque qui a précédé celle de la rue du Faubourg-du-Temple, et sur les attentats suicides du stade de France. (...)

Un second kamikaze se fait exploser, peu après, à 21 h 20, au niveau de la porte H. « La zone de dispersion est un peu plus importante, puisqu’on retrouve des débris jusqu’à 50 m de l’épicentre », résume l’enquêteur. Son corps a aussi été pulvérisé et dispersé en de nombreux morceaux que Xavier détaille et positionne sur un plan. La dernière explosion survient une demi-heure plus tard, à 21 h 53, après que le dernier kamikaze a circulé de façon erratique aux abords du stade, à la recherche d’un attroupement à frapper. Il se positionne finalement à proximité d’un groupe qui venait d’être évacué d’un restaurant McDonald’s en raison des attentats. Cette dernière explosion fait une cinquantaine de blessés, dont plusieurs en urgence absolue.