
Mercredi, le tribunal s’est penché sur la sonorisation de la voiture de la BAC. Mises en place par l’IGPN pour confondre des policiers soupçonnés de corruption, ces écoutes ont débouché sur de nouvelles poursuites.
Le deux-tons retentit si fort dans la salle d’audience, mercredi, qu’il couvre presque le bruit des coups. « Tu mets pas de sang sur le siège, espèce d’enculé », crie l’un des policiers. Frappé à de nombreuses reprises, le suspect finit par demander pardon sur fond de musique d’autoradio. À bord d’une Ford Focus sonorisée pour les besoins de l’enquête, quatre policiers partent en vrille sans savoir qu’ils sont écoutés. Ce n’est plus un tribunal, c’est Hollywood sans l’image.
Au cinquième jour du procès pour corruption, trafic de drogue, faux en écriture publique, vols et détournements de fichiers où comparaissent six policiers de la BAC du XVIIIe arrondissement et deux indics, la figure tutélaire du brigadier Karim M., surnommé « Bylka », s’estompe au profit des personnages secondaires. Alexandre C., Julian T., Mehmet C. et Jean-Baptiste B. connaissent leur heure de gloire, malgré eux. Une « deuxième génération » de policiers, après d’illustres aînés.
Immortalisée par l’IGPN, cette scène à grand spectacle date du 22 avril 2019 (...)
Alexandre C. tient à endosser seul la responsabilité de ce fiasco qu’il « regrette amèrement ». Les violences comme le reste. Au moment de présenter le suspect à l’officier de police judiciaire, le policier a tiré de sa propre poche deux galettes de crack, confisquées la veille, pour les attribuer à Ibrahima D. Celui-ci est condamné, sur la foi de ces preuves, à 18 mois ferme avec mandat de dépôt. En jargon policier, on appelle ça « habiller une procédure ». En jargon judiciaire, on préfère « faux en écriture publique ».
Traversant à l’époque une période très difficile, qui s’est conclue par le décès de sa mère, le policier invoque des objectifs impossibles à tenir. « On nous demandait constamment de nous rendre à la Colline, le secteur le plus dangereux de Paris, avec des dealers d’1,90 m et 100 kilos, des toxicomanes armés, malades. » (...)
À quel point l’opération d’habillage était-elle préméditée ? La sonorisation de la Ford a bien retenu que les policiers ont fait un « cadeau » à un consommateur, la veille, en se bornant à lui confisquer son produit sans le conduire en garde à vue. Cette pratique habituelle, pour le simple usage d’une petite quantité de drogue, s’accompagne en principe d’une destruction immédiate. Pas cette fois, et les écoutes sont cruelles. (...)
Cette deuxième semaine de procès a le mérite d’avoir ouvert quelques fenêtres supplémentaires sur le quotidien de la BAC du XVIIIe arrondissement avant l’arrestation de six de ses membres. Elle laisse entrevoir des inimitiés persistantes, un encadrement défaillant, des policiers en roue libre tant qu’ils ramènent des résultats et une hiérarchie officieuse basée sur l’ancienneté et le copinage, en parallèle de l’officielle. (...)
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