
La plus grande population autochtone du Canada est fortement touchée par les incendies. Souvent isolée, proche de grandes forêts, elle voit son territoire rogné par les flammes et son mode de vie remis en question.
Depuis le début des incendies début juin, le feu ne laisse pas tranquille la Première Nation Crie, la plus grande population autochtone du Canada [1]. « La route vient de rouvrir, c’est un grand jour ! » s’enthousiasme-t-il au téléphone.
Voilà dix-sept jours qu’il a dû partir, en raison des feux qui approchaient. « On est allés de motel en motel. Les gens nous ont bien accueillis dans les villes, mais plus de deux semaines sans les plats traditionnels de chez moi, c’était dur », raconte-t-il, se réjouissant de remanger de l’orignal bientôt. Les conditions météo, qui s’améliorent, ont enfin permis de rouvrir partiellement la route Billy-Diamond, voie d’accès aux communautés du Nord-du-Québec. (...)
Dix jours plus tôt, les feux et l’intense fumée ont forcé des communautés de la région à fuir. Une ligne de foudre a allumé de multiples brasiers, les conditions de sécheresse intense ont fait le reste. 800 résidents d’Eastmain ont donc dû être évacués, comme Robbie, loin de la maison. Lui a patienté à Val-d’Or et à Rouyn-Noranda, avec ses enfants, à plus de neuf heures de route.
Ces évacuations n’étaient pas les premières pour les Cris cette année. Depuis janvier 2023, plus de 11,7 millions d’hectares ont brûlé au Canada. Toutes les évacuations ne se font pas sans heurts. Le lien avec le territoire est intime pour bien des membres des Premières Nations. Quitter sa terre, même sous la pression des éléments, reste un arrachement. Le Premier ministre du Québec l’a appris. En juin dernier, François Legault demandait à la communauté de Mistissini de quitter les lieux alors que les flammes approchaient. Le chef Michael Petawabano avait rétorqué, dans un Facebook live : « Legault ne dirige pas notre communauté », et demandait à ses membres de ne pas céder à la panique. (...)
« Les feux attaquent notre mode de vie, tout simplement. Pendant toute cette période, on ne peut ni pêcher, ni cueillir des bleuets, ni aller chasser. Tout le quotidien est bousculé, ça fait mal. Et cet automne les feux auront un impact sur la chasse : il y aura moins d’orignaux, moins d’ours. »
Se former pour mieux lutter
Comme les flammes reviendront, il faut apprendre à mieux les combattre. La semaine dernière, un premier groupe de Cris de Waswanipi et Oujé-Bougoumou ont fini leur entraînement pour devenir ensuite certifiés en tant que pompiers auxiliaires auprès de la Sopfeu, l’organisme de lutte contre les incendies de forêt au Québec. Avec ce bagage, ils seront notamment en mesure d’aider les combattants du feu au sol, en éteignant les petits incendies. (...)
Les pluies des derniers jours ont affaibli les feux du Nord-du-Québec. Et la météo d’Eastmain laisse entrevoir des gouttes, et du répit. Mais dans quinze jours, le soleil et le feu auront-ils repris du poil de la bête ? Robbie Mark-Stewart ne sait pas encore s’il pourra retourner à la maison pour de bon ou s’il faudra faire machine arrière. Les jours qui viennent, l’état de la route qui mène chez lui sera réévalué par les autorités, pour savoir si l’accès est maintenu ou non. « On va rester vigilants, mais on est heureux d’arriver enfin chez nous. »