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Au Canada, les communautés autochtones en première ligne face au coronavirus
Article mis en ligne le 8 avril 2020

Le coronavirus commence à frapper fort outre-Atlantique et les autochtones comptent parmi les populations les plus vulnérables. Les chefs des Premières nations canadiennes ont déclaré l’état d’urgence pour éviter le pire et réclament plus de soutien de la part du gouvernement de Justin Trudeau. (...)

« Les Premières nations souffrent de facteurs aggravants qui augmentent le risque de complications face au coronavirus. Beaucoup de leurs membres sont obèses, elles ont trois fois plus de diabète que le reste du pays et trois fois plus de risque d’être opérées pour des infections respiratoires », explique le chirurgien innu Stanley Vollant, citant des données du gouvernement canadien.

Chaque jour, il rencontre des chefs autochtones et des équipes de santé pour partager son savoir sur la maladie. Devant l’imminence du danger, il a formé une cellule de crise pour limiter la propagation du virus dans la nation innue, originaire du Québec et du Labrador. Selon lui, le mode de vie traditionnel de certaines communautés les transforme en cible de choix pour le virus : « Le tabagisme est très présent. Et lorsque des membres vont chasser, ils passent beaucoup de temps dans des tentes humides, propices à des maladies pulmonaires. » (...)

« Beaucoup vivent dans des maisons surpeuplées. Cela accroît le risque de propagation rapide. Aussi, il n’y a pas beaucoup de magasins dans les communautés, donc en allant tous dans le même, on multiplie le risque de tomber sur des gens qui peuvent l’avoir. » (...)

Stanley Vollant évoque, lui, des maisons à trois ou quatre chambres, dans lesquelles s’entassent une douzaine de personnes, ce qui complique sérieusement la distanciation sociale. D’après le recensement de 2016, un autochtone sur cinq vit dans un logement surpeuplé. (...)

De nombreuses communautés autochtones comme celles des Inuits du Nunavik, à l’extrême nord du Québec, souffrent du peu de structures médicales. (...)

Quand Montréal se demande encore s’il faut fermer ses parcs publics pour faire fuir les derniers amoureux des pique-nique en temps de pandémie, plusieurs communautés autochtones empêchent déjà toute sortie de leurs territoires. Ces dernières ont vu le danger avant le reste du pays car toute percée du virus en leur sein pourrait avoir des effets catastrophiques. (...)

La population autochtone du Canada rassemble les premiers habitants du pays : les Métis, qui descendent des colons européens et des Premières nations, et les Inuits, les premiers venus dans l’Arctique canadien. Pourquoi ces 1,5 million de personnes sont plus à risque que le reste du pays face au coronavirus ?
« Historiquement, les communautés des Premières nations ont été dévastées par des pandémies et nous devons prendre immédiatement des mesures décisives », écrivait fin mars le chef de l’Assemblée des Premières nations en Colombie-Britannique, Terry Teegee, alors que celle-ci déclarait l’état d’urgence. Les épidémies de grippe espagnole et de rougeole ont en effet décimé les autochtones. Plus récemment encore, en 2009, la grippe H1N1 les avait frappés plus durement que le reste du pays. (...)

« Il y a des communautés accessibles seulement par avion ou par un train qui met douze heures. On a le temps de mourir deux ou trois fois » (...)

Face au désert médical, les communautés ferment progressivement des villages (...)

La crise du logement, le manque d’hôpitaux, ces problèmes qui viennent compliquer la réponse à la pandémie sont structurels et non ponctuels, selon Sarah Fraser. Le 3 avril, le pays comptait plus de 11.000 cas de contamination mais les autochtones restaient pour le moment préservés. (...)

Ottawa n’a pas le droit de prendre le risque à la légère. Lors de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009, le gouvernement du conservateur Stephen Harper avait été fustigé pour avoir tardé à fournir des vaccins à ces populations. Il avait aussi choqué en envoyant des sacs mortuaires à une communauté autochtone du Manitoba, qui attendait plutôt des vaccins et du matériel de prévention.

Le gouvernement de Justin Trudeau a déjà annoncé débloquer plus de 300 millions de dollars canadiens (près de 200 millions d’euros) pour constituer un fond de soutien pour les Premières nations face à la pandémie. Mais plusieurs chefs estiment que l’aide sera insuffisante et réclament avant tout du renfort de personnel médical dans les communautés. (...)

Le grand chef de l’Organisation des chefs du Sud, au Manitoba, Jerry Daniels, demandait même à Justin Trudeau d’accueillir des médecins cubains, actuellement déployés en Italie, pour venir soutenir les communautés. Refus d’Ottawa. (...)

Stanley Vollant soutient que même si la réponse du gouvernement fédéral est adaptée, le pays est très mal préparé. (...)

le Canada n’a pas tiré la leçon des précédentes épidémies de SRAS ou de la grippe H1N1 et aurait dû constituer des réserves de matériel de protection suffisantes. « S’il n’y en a pas assez, le personnel soignant va tomber au combat. Ça ne me tente pas de mourir dans les prochaines semaines. Il y a des gens dans ma communauté qui comptent sur moi. »