Sur la place Tahrir,où se rassemblent depuis le 25 janvierles manifestantsqui réclamentla fin du régimed’Hosni Moubarak,on s’insurge, on mange, on dort, on prie...Et on rêved’une nouvelle Égypte.
« Villa n° 1, rue du peuple égyptien », peut-on lire sur un morceau de carton. « Ici, la lecture du journal est gratuite. Si vous en avez un, merci de le déposer là », lit-on sur une autre pancarte de fortune, qui désigne un tissu étendu devant la tente.
Les manifestants ont vite compris le concept : chacun se sert, lit Al Masry Al Youm ou Al Shorouq (quotidiens indépendants), puis vient les reposer.
« Tant que l’on reste sur cette place, on maintient la pression sur le gouvernement. »Alors que le gouvernement a entamé des discussions avec certains membres de l’opposition, personne ici ne reconnaît les comités de négociations. « Ce sont des personnalités respectables et sincères, mais elles n’ont jamais été investies par les manifestants », souligne Heba, une jeune blogueuse. (...)
Le plus important ce n’est pas la chute de Moubarak, mais la fin de ce régime. Tant qu’il n’y aura pas de mesures concrètes, nous ne leur ferons pas confiance. Cela fait trente ans que ce pouvoir nous ment, pourquoi cela changerait aujourd’hui ? »
La place Tahrir est aussi une tribune de l’humour égyptien, où l’on rivalise de jeux de mots et de « noctas », ces blagues critiquant le pouvoir ou la société. Deux jeunes y improvisaient samedi un sketch se moquant du discours de la télé nationale sur les manifestants, décrits comme des agents étrangers.Le rire permet aussi d’évacuer la tension.
Car tous voient bien que l’armée ne semble pas avoir l’intention de destituer le vieux dictateur. Et une fois passées les limites de la place, une bonne partie de la population, à court d’économies, ne les soutient plus, souhaitant reprendre une vie normale. Plus de 300 personnes ont été tuées depuis le début du soulèvement.
Les hommes à la tête bandée ou au bras en écharpe sont nombreux. Et l’inquiétude grandit. « Il n’y aura pas de seconde chance. Si l’on ne va pas jusqu’au bout, la répression va être féroce. On ne pourra pas revenir manifester ici. » Souad, la quarantaine, craint que la répression s’abatte sur les activistes, une fois les caméras étrangères parties.
Mais pour d’autres, l’Égypte a accompli une révolution en deux semaines, et il n’y a pas de retour en arrière possible. (...)