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Attentats du 13-Novembre : "Le procès s’inscrit dans une longue évolution de la place de la mémoire dans nos sociétés"
Article mis en ligne le 13 novembre 2021

Henry Rousso est historien et président de la mission préfigurative du musée-mémorial du Terrorisme. Il revient pour franceinfo sur l’évolution et l’importance de la construction d’une mémoire collective autour du terrorisme.

Le procès des attentats du 13-Novembre s’inscrit dans une longue évolution de la place de la mémoire et de la victime dans la justice et nos sociétés. Mais on a changé d’échelle, de par la nature des événements et le nombre de victimes. (...)

Après le verdict, une étape se referme et les victimes se retrouvent plus isolées mais en ayant vécu un moment de communion très important. (...)

Nous sommes dans des sociétés de la parole et la justice est devenue un lieu essentiel de la parole des victimes, à juste titre. Malgré tout, le procès a d’abord une fonction pénale. Il s’agit véritablement de juger et de punir mais il y a également un souci d’analyse, de déconstruction, de compréhension, nécessaire à l’action judiciaire. Il est vrai qu’on a observé une inversion dans le déroulement habituel, avec l’interrogatoire de personnalité des accusés effectué après l’audition des parties civiles. Mais attendons la suite [le procès doit durer encore sept mois]. J’ai le sentiment que la parole des accusés sera entendue. L’importance de ce procès, c’est aussi la place qu’on leur accorde. C’est la force considérable de nos démocraties. (...)

La Shoah a fait de la mémoire une valeur centrale de nos sociétés démocratiques. C’est avant tout la lutte contre l’impunité des criminels et le déni autour de ce génocide qui a engendré de nouvelles politiques de mémoire. L’oubli était assez répandu depuis la Grèce antique. L’édit de Nantes, qui met fin aux guerres de religions en 1598, c’est une forme d’oubli. Sur le plan juridique, il se traduit par l’amnistie. C’est une fiction sociale, on fait comme si ça n’avait jamais existé. Cette façon de voir les choses est aujourd’hui bannie. On essaie d’étendre de plus en plus les délais de prescription, avec l’idée d’une justice qui ne devrait plus avoir de limites, comme elle n’en a pas pour les crimes contre l’humanité. (...)

La commémoration en France obéit à un principe d’égalité devant l’histoire. La commémoration de la Shoah est désormais celle de tous les génocides. La journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme a été fixée au 11 mars pour s’aligner sur la journée européenne et la date anniversaire des attentats de Madrid en 2004. Il y a un message politique d’ouverture et d’universalisme. (...)

Avec ces procès pour la mémoire et le début de la vague terroriste dans les années 1980, la place de la victime est devenue centrale dans l’espace public. Ce qui se joue, c’est une forme de reconnaissance et de réparation nationale. Car à travers les victimes du terrorisme contemporain, c’est une Nation qui est touchée. (...)

Je suis en train de rédiger le programme scientifique et culturel du mémorial pour le 11 mars prochain et nous insistons sur le fait que notre travail s’inscrit dans le contexte de ce procès hors norme. Il aura bien sûr une place très importante, comme celui des attentats de janvier 2015. Nous espérons pouvoir accéder aux films de ces deux procès, lorsque tous les appels seront clos. Nous sommes aussi en train de constituer une collection de scellés de justice mais là aussi, la procédure doit être close, ce qui est le cas pour les attentats de Toulouse et Montauban en 2012 par exemple. On veut montrer que le terrorisme fait partie de nos sociétés depuis très longtemps et les a façonnées.