Lundi 11 mars, Lundi Pur. Week-end prolongé pour certains, mais surtout début du Carême. C’est la période de “Sarakostí”, littéralement celle des quarante jours de Carême avant Pâques, la plus grande fête de l’Orthodoxie comme du Christianisme oriental. Lundi donc Pur, jour du pain azyme, celui que l’on nomme “lagána” depuis l’Antiquité, table de la seule gastronomie issue de la mer, journée également où de coutume, petits et grands iront faire voler leurs cerfs-volants comme à Athènes sous l’Acropole.
Contrairement aux autres années, les politiques, ceux du gouvernement en premier lieu, ne se sont pas montrés en public et c’est tant mieux. Il était temps pour eux, car il était trop tard d’avoir des yeux capables de voir le monde, pour à peine paraphraser Paul Nizan, l’écrivain resté jeune devant l’eternel car mort au combat lors de la bataille de Dunkerque en 1940.
Les travailleurs et mareyeurs du marché central aux poissons d’Athènes ont vendu de leurs poissons et autres fruits de mer tard dans la nuit durant la veille, puis, jusqu’à midi comme pour chaque Lundi Pur. Il y a eu bousculade, car il faut dire que c’est le marché de ce type le plus avantageux de la ville lorsqu’aux dires de tous, medias compris, le coût de la table en ce début de Sarakostí est en augmentation nette de 20% cette année, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Rien que la fameuse lagána elle était vendue parfois à près de trois euros l’unité, y compris au village Thessalien, “un vrai scandale”, ceux de la famille qui s’y trouvent, ont-ils même téléphoné pour en informer. Affaire du jour.
Et lorsqu’on a des yeux capables de voir le monde, on s’aperçoit aussitôt et surtout, combien “ceux d’en bas” comptent alors leurs petits sous. Il y a certes ceux ayant quitté Athènes par milliers, près de cent mille véhicules franchissant les postes de péage à la sortie de la capitale d’après la presse, plus tous les autres. Autrement-dit, une petite moitié de la classe moyenne restante, d’après nos calculs 10% à 15% des Athéniens pour une agglomération peuplée de plus de quatre millions d’habitants. (...)
chez les boulangers, on redécouvrait alors les restes d’une des coutumes les plus anciennes et les plus belles de la Grèce, Madame Sarakostí, autrement-dit “Dame-Carême”, cette période de carême associée à Pâques ainsi personnifiée. Il s’agissait en réalité d’un calendrier improvisé pour la période de ce jeûne, du Grand Carême qui est le plus ancien des grands jeûnes de l’Église, établi au 4ème siècle de notre chronologie.(...)
Lundi Pur 2019. Les Grecs prennent alors le soleil comme il vient, et si possible face à la mer. Comme presque du temps décrit par Paul Nizan, “reste à conjuguer au futur les dernières utopies à les enfoncer dans le brillant avenir du temps, à inventer pour la consolation des populations urbaines les uchronies de la vie intérieure.” Depuis, il y eu le nazisme, le Smartphone et à terme le transhumanisme, histoire de conjuguer au futur les dernières dystopies... on dirait même en temps et en heure. (...)