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Arrêtons de voir le désordre comme un mal à éradiquer
Article mis en ligne le 4 février 2019
dernière modification le 2 février 2019

Si le foutoir est si mal vu, c’est parce que le rangement fait classe, dans tous les sens du terme.

« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. » Cette formule de Georges Perec, extraite d’Espèces d’espaces, aide à comprendre pourquoi, aujourd’hui, le rangement apparaît comme une des clés du développement personnel. Je range donc je suis heureuse ou heureux. (...)

Pas étonnant que, dans un monde où le bonheur est devenu un style de vie, plus de dix millions d’exemplaires du livre La magie du rangement, de Marie Kondo, aient été vendus dans le monde depuis sa parution en 2011. Ni que Netflix ait décidé d’en tirer une série, promouvant plus encore la méthode de tri dite KonMarie, véritable « art du rangement ». (...)

Pour autant, le bazar n’est pas forcément signe d’une stagnation voire d’une régression infantile, d’une réaction à rebours aux multiples « range ta chambre » entendus plus jeune. « Il y a un éventail de désordres. » Une question de classification, toujours –mais aussi de classe. (...)

Il faut admettre que l’ordre a son côté pratique tandis que le capharnaüm représente quelque chose d’encombrant. (...)

il arrive que l’ordre soit en fait un supposé désordre où nous nous retrouvons sans avoir besoin de chercher.

Une pollution symbolique qui touche au tabou (...)

« Nous avons des catégories culturelles : à partir d’un moment où un objet vient transgresser ces normes, il est catégorisé en pollution » (...)

Ces catégories sont plus ou moins flexibles en fonction des individus. Elles peuvent évoluer par rapport à ce que vous voyez chez les autres. Ou selon votre propre usage. (...)

Le choix de la place d’un objet peut aussi être fait à l’aune de critères esthétiques. Lesquels sont influencés par nos propres goûts mais aussi par ceux qui sont valorisés socialement. (...)

Derrière la mise au pilori de la pagaille et l’obsession pour le rangement, on retrouve aussi une volonté d’épuration, et pas seulement en matière de design. Car le minimalisme porte en lui quelque chose du mépris social. (...)

Sans compter, rappelle l’urbaniste Yankel Fijalkow, qu’il faut encore avoir de quoi ranger. « Le problème de rangement est un vrai malaise, qui émerge depuis une dizaine d’années. » En cause, le prix au mètre carré, qui impacte principalement les logements collectifs, fait disparaître les caves et réduit les surfaces mais encore ralentit la mobilité résidentielle (...)

Le minimalisme ne convient pas à tout le monde. (...)

« Ne pas ranger, c’est aussi s’approprier l’espace, complète Yankel Fijalkow. Dans les appartements mis sur Airbnb, les gens neutralisent complètement leur logement, le dépersonnalisent, en font un appartement d’hôtel, sans bibelots, avec des affiches passe-partout, qui plaisent à tout le monde. C’est comme s’ils ne vivaient plus chez eux. » (...)

« Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre. »

Paul Valéry, écrivain, poète et philosophe (...)

on peut rejoindre, finalement, Marie Kondo sur au moins un point : « Les gens qui se sentent bien chez eux, ils savent pourquoi tel objet se trouve là. Chaque objet a du sens. » Une analyse que partage Alberto Eiguer : « Dans le désordre bien tempéré et fonctionnel, on garde une relation affective à ses objets. » Cessons donc de nous excuser de ne pas avoir assez bien rangé. (...)