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Argentine : des nouvelles encourageantes concernant la lutte contre la dette illégitime
Article mis en ligne le 6 novembre 2014

(...) Alors que l’Argentine, au cours des trois dernières années, a multiplié les signes de bonne volonté à l’égard de Washington (notamment au sein d’UNASUR |4|), des grandes entreprises transnationales (nord américaines comme Chevron |5| ou d’autres pays |6|) et de ses créanciers (l’Argentine a repris en 2014, après 13 années de suspension, les paiements à l’égard du Club de Paris alors qu’une grande partie est due à des pays qui ont soutenu et financé la dictature militaire entre 1976 et 1983 |7|), elle est humiliée par l’Oncle Sam qui veut démontrer que son pouvoir judiciaire peut dicter à des pays souverains ce qu’ils doivent faire en matière de dette notamment. Cela montre une fois de plus que faire des concessions face à Washington et aux créanciers en général ne constitue en rien un solution.

Face à cette gifle, l’Argentine a répondu par diverses initiatives dans la seconde moitié de l’année 2014 :

1. Elle a annoncé qu’elle déposait une plainte contre les États-Unis devant la Cour internationale de justice de La Haye (la cour des Nations Unies qui juge les plaintes d’un pays contre un autre). Cette plainte n’a quasiment aucune chance d’aboutir car Washington ne reconnaît plus la compétence de cette Cour depuis qu’elle a condamné les États-Unis en 1985 pour avoir miné les ports maritimes du Nicaragua. Rappelons qu’au cours des années 1980, le gouvernement des États-Unis a cherché à renverser le régime progressiste sandiniste en soutenant la « contra », une rébellion armée à ses frontières, et en minant ses ports.

2. L’Argentine s’est démenée pour obtenir un débat au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies à propos de la nécessité de mettre en place un mécanisme de résolution des conflits entre les pays débiteurs et leurs créanciers. Une résolution a été adoptée en septembre 2014, mais il y a très peu de chances qu’un tel mécanisme soit créé rapidement. De plus, même si un tel mécanisme était mis en place, il est fort probable qu’il ne prendrait pas en compte les intérêts des populations et favoriserait les créanciers |8| .

3. Le 10 septembre 2014, l’Argentine a adopté une loi intitulée, la loi du « paiement souverain » (Ley del Pago soberano |9| ). Par cette loi, le Parlement argentin appuie la politique du gouvernement argentin en matière de paiement de la dette, ce qui est critiqué à juste titre par les mouvements sociaux et les organisations politiques de gauche |10| . Par ailleurs, la loi décide de ne plus recourir à la banque new-yorkaise Mellon pour effectuer le paiement de la dette et crée un fonds financier argentin pour la remplacer. Par cette décision, l’Argentine veut éviter que le juge new-yorkais puisse bloquer les prochains paiements. Le juge Griesa a réagi en condamnant l’Argentine pour non-respect de son jugement. La loi prévoit également une nouvelle restructuration avec un nouvel échange de titres de la dette et donne le choix aux créanciers de choisir entre le pouvoir judiciaire argentin et le pouvoir judiciaire français pour régler de possibles litiges (la justice des États-Unis ne sera donc plus compétente). Il est évident qu’il ne s’agit pas d’un changement radical de politique puisque le pouvoir judiciaire de la France est aussi favorable aux créanciers que celui des États-Unis ou de Londres |11|. Il aurait fallu décider que seule la justice argentine soit dorénavant compétente et ainsi respecter la Constitution argentine qui prévoit très clairement que seuls les juges argentins peuvent trancher un conflit entre le pays et des étrangers |12|.

La loi du 10 septembre 2014 institue une commission parlementaire pour auditer le processus d’endettement du pays depuis mars 1976 |13| jusqu’à 2014. Cette décision a été perçue à l’étranger par de nombreux mouvements agissant sur la question de la dette comme un pas en avant important faisant penser à la décision de l’Équateur de créer en 2007 une commission d’audit intégral de la dette qui a débouché sur la suspension du paiement de la part illégitime de la dette publique équatorienne. En Argentine, la réaction des mouvements sociaux, d’un syndicat comme la CTA indépendante du gouvernement, de la plupart des organisations qui luttent contre la dette illégitime et de la gauche radicale a été mitigée, voire souvent négative à l’égard de cette loi.

Constitution de l’Assemblée pour la suspension du paiement de la dette et pour l’audit de la dette illégitime en faveur des biens communs

Finalement, un front large, appelé « Assemblée pour la suspension du paiement de la dette et l’audit de la dette illégitime en faveur des biens communs » |14|, s’est constitué et, malgré des réticences bien compréhensibles, a appelé à la mise en place de la commission prévue par la loi du 10 septembre 2014. (...)

Le mardi 14 octobre 2014 s’est tenue au parlement argentin une assemblée pour la suspension du paiement de la dette et pour l’audit de la dette illégitime |15| . Il s’agissait d’une audience publique du Parlement convoquée par le député Víctor De Gennaro (président du parti UP), un des fondateurs de la confédération syndicale argentine CTA (Centrale des Travailleurs Argentins). (...)

Au total, un peu plus de quatre-vingts délégués ont participé à cette réunion (...)

Les quatre-vingts délégués réunis le 14 octobre 2014 ont adopté une déclaration très claire (voir http://cadtm.org/Argentine-PATRIE-O...) qui va tout à fait dans le sens de l’orientation défendue par le CADTM et partagée par Dialogo 2000-Jubiléo Sur Americas. Depuis que je réalise des visites en Argentine et que je rencontre les mouvements sociaux et la gauche de ce pays, c’est l’activité la plus large en terme de représentativité et qui plus est, combative sur la question de la dette, à laquelle il m’a été donné de participer |18|. (...)

a surgi l’idée de réaliser un référendum alternatif, non officiel à partir des mouvements sociaux. J’en reparlerai plus loin.

La semaine du 13 au 18 octobre 2014 a été particulièrement chargée et riche en activités prometteuses. L’écho médiatique des activités menées et des idées qui y étaient défendues a été significatif dès le début. (...)

Une réunion publique sur la commission d’audit convoquée au Parlement argentin par des députés de la majorité présidentielle

Le mercredi 15 octobre 2014, après avoir donné une longue interview à la journaliste Natalia Aruguete du quotidien Pagina12 |24|, j’étais invité une seconde fois au Parlement argentin afin d’introduire une assemblée convoquée par deux députés qui font partie de la majorité présidentielle (Carlos Raimundi et Héctor Recalde). Ces deux députés ont voté en faveur de la loi du paiement souverain (10 septembre 2014) et souhaitent que la commission d’audit de la dette soit effectivement mise en place, raison pour laquelle ils ont convoqué cette réunion publique dans l’enceinte du Parlement. (...)