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Après le capitalisme, le bien vivre
Adieux au capitalisme. Autonomie, société du bien vivre et multiplicité des mondes Auteur : Jérôme Bachet Éditeur : La Découverte Collection : L’horizon des possibles Date de publication : 30/01/14
Article mis en ligne le 18 mars 2014
dernière modification le 15 mars 2014

Avec Adieux au capitalisme , l’historien Jérôme Bachet, déjà auteur d’un des livres de référence sur le mouvement du Chiapas, La Rebellion zapatiste , se donne pour ambition, non seulement de penser une critique du capitalisme, mais également comme le titre l’indique, sa fin.

Il ne s’agit pas en effet de se contenter d’aménager ce système – position qu’il dénonce sous le terme de capitulisme -, mais de penser au-delà de cette hégémonie économique, un "bien-vivre".

Jérôme Bachet commence par proposer une analyse de ce qu’il lui semble constituer les aspects marquant du capitalisme depuis la crise des subprimes de 2007. Sans pour autant constituer selon lui la phase terminale du capitalisme, elle indique une atteinte profonde de ce système. Néanmoins la solution ne saurait se situer dans une régulation néo-keynesienne par l’Etat.

En historien, l’auteur estime que l’analyse de la situation suppose de prendre en compte la longue durée. La grande particularité, c’est qu’avec le capitalisme pour "la première fois dans l’Histoire, la société fait de l’intérêt personnel sa valeur cardinale" . Néanmoins, la phase néolibérale du capitalisme correspond à une inflexion qui indique le passage d’une société disciplinaire structurée par les Etats-nations à un capitalisme sécuritaire mondialisé dont l’Etat managérial est l’auxiliaire. Cette expansion du capitalisme s’appuie sur la constitution d’un grand marché mondial. Néanmoins, dans le cadre d’un tel système, la critique ne doit pas se donner pour objectif de libérer le travail, mais de libérer l’activité humaine de la forme travail. Car celle-ci n’est qu’un aspect de la soumission des subjectivités aux normes de la concurrence économique. C’est en particulier dans notre rapport au temps et à l’urgence que cela apparaît le plus marqué. On assiste donc à une domination de la rationalité marchande, à un devenir-marchandise du monde. (...)

Néanmoins, depuis les années 1990, et en particulier l’insurrection zapatiste de 1994, le néolibéralisme est ébréché. L’auteur revient sur l’histoire de ce mouvement de rebellion et en particulier, il effectue une présentation tout en nuance des institutions mises en place au Chiapas. Contre la forme du gouvernement étatique, les communautés indigènes ont institué l’autonomie avec les "Conseils de bon gouvernement". Sur un territoire grand comme la Belgique, les décisions sont prises après d’amples consultations. Certes le système est lent, mais il l’est d’autant plus que nous sommes prisonniers de la tyrannie de l’urgence. La démocratie zapatiste – son "autogouvernement" – n’est pas pure horizontalité, mais articulation entre horizontalité et verticalité comme l’indique leur slogan "commander en obéissant". Il faut admettre une fonction, non pas seulement de coordination des conseils, mais également d’animation et d’impulsion des initiatives. Le système mis en place par les zapatistes n’est pas fixe, il est en continuel renouvellement par le biais d’une forme de tâtonnement expérimental. Néanmoins, Jérôme Bachet prend soin dans son analyse de distinguer plusieurs formes d’autonomie. (...)

En pensant une société postcapitaliste, l’auteur entend réhabiliter la place de l’imaginaire utopique. Mais plutôt que de penser au singulier, sous la forme de l’Un, il s’agit de s’ouvrir à la pluralité des mondes possibles, au "pluniversalisme".

Il s’agit néanmoins tout d’abord de s’atteler à une sortie de l’économie, c’est à dire à la fin d’une société dans laquelle l’économie a été desencastrée du social, en reconstruisant des modes despecialisés du produire, ainsi qu’une consommation qui rompe avec le gaspillage de masse. La désliénation du temps suppose le passage d’une économie du travail à un âge du faire. Cette forme sociale implique ainsi une rupture avec l’individualisme libéral, une conception qui considère l’individu comme un atome social égoïste. Il s’agit de penser une individualité relationnelle caractérisée par l’entraide et la coopération.

L’auteur accorde un rôle central dans sa réflexion à la notion de "bien-vivre". (...)

il s’agit de créer et de faire croître autant que possible des espaces libérés. Néanmoins, il ne s’agit pas selon lui d’en rester à une simple politique de la résistance. En effet, il existe une contradiction radicale auquel s’affronte tous les espaces autonomes : les ressources et les moyens de production sont "dans leurs mains à EUX et non dans les nôtres" (p.168). Il n’est donc pas possible de faire l’impasse sur la question de la réappropriation. En définitif, c’est dans la conjonction de trois facteurs que l’auteur perçoit la possibilité d’une transformation radicale : a) extension des espaces libérés b) aggravation de la crise structurelle du capitalisme c) réaction-insurrection de la Terre Mère face au productivisme. En définitive, cette transformation ne peut être le fait uniquement que des exploités, elle implique d’être menée au nom de "l’humanité et de sa réalisation effective" (p.182). (...)