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Annuler la dette ou taxer le capital : pourquoi choisir ?
Article mis en ligne le 31 octobre 2013
dernière modification le 28 octobre 2013

A l’occasion de la sortie de deux livres importants, Dette 5000 ans d’histoire et Le Capital au XXIème siècle, Mediapart a eu l’heureuse idée d’organiser une rencontre entre leurs auteurs respectifs, David Graeber et Thomas Piketty. Leurs échanges sont accessibles sur le site du journal en ligne

Comment sortir de la dette, cette question centrale posée en préambule à ce dialogue est également au cœur des réflexions et de nos activités militantes respectives. C’est pourquoi nous avons souhaité donner un prolongement constructif à ces échanges en proposant le texte qui suit, fruit d’une réflexion collective qui explicite, commente, questionne et critique les points de vue et les arguments avancés par les deux auteurs.

Annuler la dette ou taxer le capital ?

Les échanges entre T. Piketty et D. Graeber tournent pour l’essentiel autour de la mise en regard des mérites respectifs de l’impôt sur le capital et de la répudiation de la dette publique. D. Graeber, s’appuyant sur une belle érudition historique et anthropologique, souligne que l’annulation de tout ou partie de la dette, privée ou publique, est une figure récurrente des luttes de classes depuis 5000 ans. Considérant que la dette est un mécanisme central de la domination capitaliste aujourd’hui, il ne voit aucune raison qu’il en aille autrement dans les années à venir.

T. Piketty estime pour sa part qu’on peut obtenir un allègement considérable du poids des dettes par un mécanisme fiscal de taxation des grandes fortunes qui serait plus juste socialement, car il éviterait de frapper les petits et moyens épargnants détenteurs (via les fonds communs de placement gérés par les banques et les compagnies d’assurance) d’une grande partie de la dette publique.

Sans que les deux interlocuteurs ne l’explicitent, on peut sans doute attribuer leur différend à des présupposés philosophiques et politiques opposés. Pour Graeber, de tradition anarchiste, l’annulation de la dette est préférable parce qu’elle ne suppose pas nécessairement de s’en remettre à l’État national, et encore moins à un État ou une institution supranationale : elle peut résulter de l’action directe des débiteurs (cf. le projet de « strike debt » |2| porté par Occupy Wall Street aux États-Unis), ou bien de la pression populaire imposant une décision à un gouvernement. Pour Piketty, de tradition social-démocrate, c’est une fiscalité mondiale sur le capital qui est nécessaire, et des mesures fiscales nationales portées par des gouvernements réformistes peuvent déjà permettre d’avancer.

Au vu précisément des arguments des deux auteurs, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire de choisir entre imposition du capital et annulation de dettes, mais qu’il est judicieux de mettre en œuvre ces deux mesures simultanément. (...)