
L’activisme du président Macron sur l’Amazonie est louable. Mais pour avoir un poids réel, il faudrait qu’en France même, la biodiversité soit protégée et que l’on cesse d’importer du soja transgénique du Brésil.
Il fait donc peu de doute que la politique de colonisation de l’Amazonie impulsée par M. Bolsonaro a une responsabilité immense dans le désastre qui se déroule dans le plus grand massif forestier de la planète. Et il est heureux qu’une mobilisation internationale — d’abord partie du Brésil lui-même — ait lancé l’alarme, conduisant M. Macron à faire de l’Amazonie un sujet majeur du G7. (...)
Mais ce geste ne serait que politicien s’il ne s’accompagnait pas de vraies mesures sur la responsabilité même des pays développés — et de la France — à l’égard des forêts tropicales ou de la biodiversité. On a du mal à prendre M. Macron au sérieux quand on sait que de nombreux permis de recherche minière sont accordés en Guyane française ou quand on constate le rythme toujours délirant de l’artificialisation des sols français, encouragé par le soutien du gouvernement aux projets d’Europacity ou du GCO de Strasbourg.
En ce qui concerne spécifiquement la forêt amazonienne, la France (et l’Europe) disposent d’un levier efficace pour freiner sa dévastation : arrêter l’importation de soja transgénique du Brésil. L’expansion de cette culture est en effet un des principaux moteurs de la déforestation, le lobby agro-industriel brésilien trouvant là une des ses principales sources de profit. Et comme l’a souligné une récente étude de l’Académie d’agriculture, la production de soja au Brésil n’a cessé de progresser depuis l’an 2000, atteignant 120 millions de tonnes en 2018-2019. Si la Chine en est le plus gros importateur, l’Europe compte aussi pour 20 % des importations — 33 millions de tonnes par an, note un rapport de Greenpeace sur le soja —, destinées à l’alimentation animale, notamment de volailles. (...)
Il y a là un levier d’action puissant, qui s’articulerait aussi avec une politique agricole européenne écologique : remplacer le soja importé par des légumineuses fourragères, favorisant les cultures locales et l’autonomie alimentaire, et mettre un terme à l’élevage industriel qui continue à se développer en France au mépris de l’environnement et des souffrances endurées par les animaux.
C’est sur ce terrain qu’on attend maintenant le gouvernement français et ses partenaires européens : faire la leçon au Brésil et refuser de signer l’accord Mercosur est sans doute indispensable. Mais cela n’aura vraiment d’effet que si la France et l’Europe appliquent elles-mêmes une vraie politique de respect de la biodiversité.
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Un trafic qui perdure
Malgré la mise en place de nouveaux systèmes de contrôle dans le secteur du bois brésilien, le trafic perdure à grande échelle. En comparant, dans un nouveau rapport, les évaluations scientifiques avec celles des documents officiels, il apparaît que 77 % des plans d’exploitation délivrés dans l’État du Pará dans lesquels l’arbre ipé (une essence précieuse et rentable, autour de 2000 euros le mètre cube) est classée comme exploitable, comportent des traces flagrantes de fraudes. Parfois, le volume déclaré est 10 fois supérieur au volume réel présent dans une concession.
Ces résultats ont été recoupés par une investigation de terrain sur six parcelles sujettes à des plans d’autorisation de coupe : à chaque fois, des fraudes ont été constatées.