
La Banque mondiale a publié la semaine dernière un rapport en anglais intitulé « Inclusive Green Growth, The Pathway of Sustainable Development », littéralement « La croissance verte inclusive, Le sentier vers un développement soutenable », que la presse française a traduit par « La croissance verte pour tous ». Dans ce type de rapport, pour dénicher l’essentiel, il ne faut pas lire le résumé, toujours plein de bons sentiments. Si on est courageux, on peut s’avaler les 200 pages, mais c’est un peu fastidieux. Alors, l’expérience enseigne qu’il faut explorer les encadrés, parfois techniques, qui révèlent les méthodes utilisées, sous-jacentes aux énoncés normatifs qui concluent, à destination des politiques, les « démonstrations ».
Pour ceux qui sont curieux de théorie économique, voici un petit décorticage de l’approche du développement soutenable qui est aujourd’hui redéfini autour de la seule « croissance verte ».
(...)La Banque mondiale est donc dans la droite ligne projetée par les autres institutions internationales : la croissance verte est le nouvel habillage d’une version édulcorée du développement soutenable car elle fait mine de se soucier de la difficulté à remplacer des éléments naturels par du capital produit par l’homme, mais elle oublie totalement ce souci dans sa modélisation théorique qui sous-tend tous ses raisonnements. (...)
Il y a trois ans, Tim Jackson, dans son livre Prospérité sans croissance, avait proposé une nouvelle modélisation, que j’avais trouvée insuffisante, mais qui avait au moins le mérite d’essayer de s’éloigner du modèle standard.[10] Ici, la Banque mondiale ne le cite même pas. Elle reste accrochée aux dogmes les plus archaïques tout en proposant une définition passe-partout et langue de bois de la croissance verte : « C’est la croissance qui est efficiente dans son utilisation des ressources naturelles, qui est propre en ce qu’elle minimise la pollution et les impacts environnementaux, et qui est résiliente en ce qu’elle prend en compte les hasards naturels et le rôle de la gestion environnementale et du capital naturel en prévention des désastres physiques. Et cette croissance doit être inclusive. »[11]
Beaucoup de confusions règnent autour de la « valeur de la nature » (...)
Dans le cadre de la préparation de Rio+20, la Banque mondiale et l’OCDE notamment rivalisent d’imagination pour donner un prix à la nature, non pas tant pour mieux la préserver que pour la réduire à un capital comme un autre qu’il s’agira de rentabiliser. Valeur économique des écosystèmes et valeur économique des services que rendent ceux-ci sont devenues les leitmotivs de la recherche dans les cercles néolibéraux. Des valeurs que seul l’établissement de droits de propriété sur ce qui devrait être des biens communs, collectifs et publics[13] peut révéler. Allô, la Banque mondiale, vous êtes toujours là ? Non, ils ont raccroché.