
Dans le livre Souffrance en milieu engagé (1), la journaliste Pascale-Dominique Russo scrute les conditions de travail chez Emmaüs, France Terre d’asile, la Macif ou encore au sein du groupe SOS. Et fait le lien avec les transformations économiques vécues par le secteur.
Sur le papier, l’économie sociale et solidaire, qui regroupe plus de 200 000 associations, mutuelles, coopératives ou encore fondations, est un secteur à part, préservé des vicissitudes de l’économie de marché par trois piliers de valeurs historiques : dans l’ESS, on ne recherche pas le profit, on réinvestit les résultats et on dirige selon le principe un homme, une voix.
Mais comment le vivent les salariés qui y travaillent au quotidien ? Pas toujours très bien, si l’on en croit Pascale-Dominique Russo, qui a mené l’enquête dans un petit nombre de structures comme les associations Emmaüs et France Terre d’asile, le groupe SOS, les mutuelles Chorum ou la Macif. Une enquête dont le résultat nourrit le livre Souffrance en milieu engagé, publié le 20 février.
Travail éreintant, placardisations, abus de pouvoir
Après avoir écrit pendant vingt ans sur l’ESS en tant que journaliste, Pascale-Dominique Russo a rédigé pendant huit ans une lettre sur la santé au travail au sein de la mutuelle Chorum, où elle a été témoin de situations qui l’ont poussée à enquêter. Son livre met en lumière de nombreuses situations délétères (...)
L’auteur livre surtout une analyse intéressante sur le contexte de transformation dans lequel ces pratiques interviennent. Côté mutuelles, on doit « se hâter de se regrouper pour ne pas disparaître face à la concurrence féroce des assurances » et pour s’adapter à ces « entités gigantesques », se réorganiser sans cesse, comme l’auteur le détaille, à la Macif. Côté associatif, on passe d’un schéma où la subvention prime à un modèle où « la commande publique s’impose peu à peu comme le mode de financement majeur à travers la procédure d’appels d’offres ». De partenaires, les associations deviennent peu à peu sous-traitantes des pouvoirs publics. Avec des conséquences en termes de liberté d’action mais aussi d’abaissement des coûts.
Pression sur le travail (...)
Ces transformations accroissent le « désordre managérial » qu’on rencontre dans un certain nombre d’associations. Quand la qualité du travail s’en ressent, le « grand écart entre le discours et les actes » est plus d’autant plus douloureux chez des salariés qui se vivent comme engagés pour une cause. Quitte à parfois accepter ici, dans une sorte de « servitude volontaire », des conditions de travail ce qu’ils n’auraient pas accepté ailleurs.