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Slate.fr
Agressions sexuelles : comment sont suivis les auteurs pour éviter la récidive
Article mis en ligne le 20 avril 2021
dernière modification le 19 avril 2021

« Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. » (Extrait du Serment d’Hippocrate)

On les a longtemps considérés comme des monstres, perdus pour leurs proches et la société, en incapacité d’être soignés. Mais, depuis la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, les auteurs de violences à caractère sexuel se voient généralement soumis à incitation aux soins lors de leur éventuelle détention et d’une injonction de soins d’une durée d’environ cinq à dix ans seule ou après leur sortie de prison.

La grande majorité d’entre eux sont suivis durant de longues années par un ou une psychiatre au fait des thématiques des violences sexuelles. Une prise en charge ardue qui oblige les professionnels à penser l’auteur de violences sexuelles dans sa globalité car le fait est là : ceux qui passent à l’acte sont le plus souvent des Messieurs (et Mesdames) Tout-le-Monde, parfois fragilisés par des traumatismes, parfois atteints de troubles de la personnalité.

Il n’est pas question de justifier leurs actes, mais de les comprendre dans leur singularité afin d’éviter le risque de récidive. (...)

« “Auteur de violences sexuelles” n’est pas une maladie en tant que telle. Il existe des profils très différents », renchérit la Dre Anne Hélène Moncany, psychiatre à Toulouse et présidente de la Fédération française des Centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (FFCRIAVS). Elle travaille pour sa part en prison. (...)

Malgré la grande variété des situations et des profils, la Dre Guillotte explique que l’on retrouve souvent certains traits chez les personnes qui se rendent coupables de tels actes : « On retrouve peu de maladies mentales à proprement parler, il y a très peu de patients psychotiques par exemple. Ce sont plutôt des personnes qui ont des troubles de la personnalité, souligne-t-elle. On retrouve souvent ce que l’on appelle des traits phobiques avec une inhibition relationnelle voire une phobie sociale. Ce sont des personnes qui peuvent être mal à l’aise avec l’autre sexe ainsi que dans les rapports de séduction. Certains présentent une maladresse sociale. On peut rencontrer des traits de psychorigidité pouvant aller jusqu’à la paranoïa, à une méfiance vis-à-vis de l’autre. Il peut également y avoir des personnalités projectives, avec une fragilité narcissique, des traits souvent égocentriques et une immaturité affective. Parfois, on relève des mécanismes pervers dans le fonctionnement de la personne, avec un déni de l’altérité, une volonté d’emprise, une tendance à la manipulation, à la provocation. »

Il existe également des traits d’impulsivité chez des personnes avec un faible niveau intellectuel ou qui consomment des substances.

L’environnement dans lequel la personne a grandi est rarement neutre (...)

Les conditions et les motivations du passage à l’acte sont également déterminantes : « Chez certains, le passage à l’acte surgit dans un contexte de dépression, comme recours face à la menace d’effondrement psychique », note la Dre Guillotte. La Dre Moncany relève pour sa part que « l’attirance n’est pas toujours un critère pour expliquer la violence sexuelle. Parfois, c’est avant tout de la violence, une façon de détruire l’autre, de l’humilier. » Quand bien même il y aurait désir, il n’est pas l’unique motif de l’agression (...)

« Nous ne sommes pas là pour justifier mais pour comprendre »

C’est sur toute cette complexité que va reposer ensuite la prise en charge. « Nous ne sommes pas là pour justifier mais pour comprendre : c’est comme ça que l’on va éviter que l’auteur de violences sexuelles ne recommence », insiste la Dre Moncany. (...)

Les objectifs de cette prise en charge adaptée au profil de l’auteur de violences sexuelles sont multiples :

  • Aider les auteurs à clarifier leurs représentations fantasmatiques en mettant des mots dessus et en replaçant les passages à l’acte dans le cadre des interdits et de la loi.
  • Travailler la lucidité sur le passage à l’acte : souvent, du fait d’un mécanisme de défense, les auteurs cherchent initialement à banaliser ou minimiser leurs actes.
  • Penser les éléments motivationnels qui ont conduit au passage à l’acte ainsi que le contexte situationnel et émotionnel qui l’a entouré de manière à les aider à repérer les situations à risque dans lesquelles ils doivent éviter de se retrouver.

« Nous faisons également un travail pour leur apprendre à gérer leur sexualité d’une manière différente ainsi qu’un travail sur le plan relationnel. Certains sont en effet très isolés, ils n’ont plus de liens avec leur famille et ont une vie affective très pauvre », ajoute la Dre Guillotte. (...)

Une fois la rencontre avec le psychiatre effectuée et l’évaluation établie, il s’agit de tisser la relation thérapeutique, ce qui n’est pas une mince affaire (...)

« Ce qui est souvent compliqué, c’est la non-reconnaissance ou la reconnaissance partielle des faits par les patients. Ce n’est pas une barrière, mais nous devons travailler sur cette réaction défensive initiale du sujet. »

S’ensuit alors à proprement parler le suivi thérapeutique dont le noyau central est une psychothérapie adaptée au profil du patient (...)

La prescription de médicaments est également possible, même si elle ne se fait jamais seule et qu’elle requiert absolument le consentement du patient. (...)

En somme, tout se fait au cas par cas, rien ne saurait suivre un schéma unique. Un sacré challenge pour les psychiatres qui n’hésitent pas à confesser toute la difficulté de cette prise en charge particulière. (...)

Parfois, on trouve un tel décalage entre les actes qui ont été commis et la personne que l’on rencontre que c’est assez troublant. Le monstre prédateur que l’on s’imagine dans nos représentations sociales ne correspond qu’à une infirme partie des auteurs de violences sexuelles. La réalité, c’est que tous les milieux, toutes les catégories sociales, y compris des gens que l’on aurait jamais imaginés, sont concernés. » (...)

Parfois, on trouve un tel décalage entre les actes qui ont été commis et la personne que l’on rencontre que c’est assez troublant. Le monstre prédateur que l’on s’imagine dans nos représentations sociales ne correspond qu’à une infirme partie des auteurs de violences sexuelles. La réalité, c’est que tous les milieux, toutes les catégories sociales, y compris des gens que l’on aurait jamais imaginés, sont concernés. » (...)

« Il faut retenir que ce sont majoritairement des personnes en souffrance dont le passage à l’acte est souvent un symptôme. » (...)

« La crainte principale est celle de la récidive, explique la Dre Guillotte. Notre mission est toujours du côté du soin et de l’accompagnement, nous ne sommes pas des auxiliaires de justice. Il faut se rappeler que c’est de l’humain, avec une part d’imprévisibilité. Il faut retenir que ce sont majoritairement des personnes en souffrance dont le passage à l’acte est souvent un symptôme. »

Aujourd’hui les professionnels travaillent de plus en plus, en parallèle, à la prévention des violences sexuelles. Cette méthode consiste à ne plus s’adresser aux victimes comme c’était le cas auparavant dans une posture très conforme à la culture du viol mais aux auteurs potentiels. (...)

Le 25 janvier 2021, la Fédération a lancé le dispositif S.T.O.P.

Il consiste en un numéro de téléphone unique et non surtaxé, national, permettant d’évaluer et orienter si nécessaire les personnes attirées sexuellement par des enfants, vers les dispositifs d’évaluation et de soins adaptés.