
Les conflits des années 2000 ont marqué la fin de la neutralité des ONG, qui, prisonnières des rapports de forces, sont de plus en plus prises pour cible par les belligérants.
Les conflits des années 2000 ont marqué la fin de la neutralité des ONG, qui, prisonnières des rapports de forces, sont de plus en plus prises pour cible par les belligérants. (...)
En marge et dans les prolongements de l’opération militaire en cours au Mali, se pose et se posera la question de la capacité de déploiement des ONG internationales. Elles vont devoir décider de l’opportunité d’un soutien à une population locale déjà confrontée, en sus de la violence de ces derniers mois, à une grande pauvreté, ainsi qu’à des conditions sanitaires préoccupantes. Une fois que la logique militaire de reconquête, d’allure conventionnelle, sera allée à son terme, au moins sur le papier, elle devrait conduire à la restauration de l’intégrité territoriale du pays. Émergera alors une phase plus durable, et plus délicate, consistant à maintenir le contrôle et la sécurité des vastes territoires qui composent le Nord Mali. En toute logique, c’est à ce moment-là que les acteurs de la solidarité internationale devraient être amenés à se redéployer. Cependant, l’argumentation du radicalisme religieux utilisée pour justifier l’intervention militaire française s’inscrit dans une certaine continuité. En rapport avec celle utilisée sur d’autres terrains de crises complexes, tels que l’Afghanistan, elle renforce une fois de plus la nouvelle polarité mondiale qui reprend les thèses développées par Samuel Huntington sur le « choc des civilisations ». Si les besoins humanitaires sont au Sud, les acteurs humanitaires, comme les principales sources de financement, sont au Nord et, dans une très large proportion, portés par des ONG issues des pays occidentaux. Les volontaires de la solidarité internationale se retrouvent ainsi eux-mêmes pris dans les mailles de ce que Georges Corm préfère appeler le « recours » au religieux, plutôt qu’un « retour » supposé du religieux (...)
Diluées dans le maelström des organisations internationales, les ONG françaises ont ainsi de plus en plus de mal à convaincre les belligérants (ceux qui peuvent l’être) de leur neutralité, de leur impartialité et de leur indépendance politique et financière. Si cette évolution a été opérée de manière consciente par certaines d’entre elles, d’autres sont l’objet d’une confusion des images qu’elles déplorent. Les organisations humanitaires qui ont essayé de garder une réelle forme d’équidistance par rapport aux différents belligérants côtoient en effet nombre d’ONG, françaises ou étrangères, qui s’affichent sans complexes comme des outils de politique étrangère de leur pays d’origine, selon le modèle « scandinave » de la typologie d’Archambault. Les événements du Mali constituent la dernière illustration en date de la nécessité pour les ONG françaises de se démarquer des tendances du modèle scandinave qui s’impose. Il devient également urgent de réfléchir à une ouverture réelle vers des ONG sœurs, issues des pays non occidentaux, afin de faire évoluer les pratiques opérationnelles en même temps que pour aider le mouvement humanitaire français à trouver des solutions et des alliances nouvelles (...)