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Affaire Sankara, le juge d’instruction demande à la France la levée du secret défense
Article mis en ligne le 13 octobre 2016

Cette nouvelle, particulièrement importante, démontre la volonté du juge d’instruction François Yaméogo d’aller au bout des investigations, de rechercher des coupables au delà des seuls membres du commando qui ont assassiné Thomas Sankara et de se pencher sur l’éventualité d’un complot international.

Nous en avions émis des doutes. Cette conférence nous apporte un cinglant démenti, mais aussi une grande satisfaction. Nous nous pouvons que le remercier pour le travail abattu, le courage dont il faut preuve.

C’est au cours d’une conférence de presse, organisée par les avocats de la famille Sankara, le 12 octobre à Ouagadougou, qu’ont été livrées ces informations.

Quatorze inculpés

Si le juge reste discret et communique peu, il a déjà auditionné, selon les avocats, une centaine de personnes, et versé au dossier les éléments relatifs aux relations entre Blaise Compaoré et Charles Taylor lors du procès de ce dernier au Tribunal spécial sur la Sierra Leone. Une nouvelle preuve de sa volonté de poursuivre son enquête au delà du Burkina Faso. Plusieurs libériens, anciens compagnons de Charles Taylor ont en effet affirmé avoir été présents lors de l’assassinat de Thomas Sankara et accusé la France et la CIA d’y avoir participé. (...)

Depuis de nombreuses années, le « réseau international justice pour Sankara justice pour l’Afrique », en collaboration avec plusieurs associations mènent campagne pour l’ouverture d’une enquête parlementaire en France sur l’assassinat de Thomas Sankara. Un dossier de presse a été constitué et envoyé à tous les députés (on trouvera la dernière version à http://thomassankara.net/dossier-realise-dans-le-cadre-de-la-demande-denquete-parlementaire-sur-lassassinat-de-thomas-sankara-mai-2015/). Deux campagnes de signatures, ont été lancées. La première, qui demandait une enquête indépendante et l’ouverture des archives, avait rassemblé plus de 14000 signatures, la deuxième pour appuyer la demande l’ouverture d’une enquête parlementaire près de 4000 (voir https://www.change.org/p/public-et-d%C3%A9cideurs-parlementaires-ouverture-d-une-enqu%C3%AAte-parlementaire-sur-les-conditions-de-l-assassinat-de-thomas-sankara).

Par deux fois l’avocat de la famille Sankara, maître Bénéwendé est venu à l’assemblée nationale rencontrer les députés écologistes et ceux du front de gauche pour appuyer cette demande, la deuxième fois avec madame Sankara. A chaque fois des conférences de presse ont été organisées. De nombreux débats sont organisés, en France mais aussi dans d’autres pays, à la suite de projection de films sur Thomas Sankara
(...)

Cette fois la France est directement et officiellement interpellée par une autorité judiciaire burkinabè.

Une commission rogatoire demande donc à la France la levée du secret défense. Cette fois ce ne sont pas des militants qui « fantasment », comme l’avait dit, de façon méprisante, l’ancien ambassadeur de France au Burkina, M. Gilles Thibault, mais bien un juge d’instruction via une procédure judiciaire officielle qui questionne la France et lui demande de prendre ses responsabilités. (...)

Les questions posées pour demander l’enquête parlementaire sont en effet les suivantes : « Nous devons répondre aux questions suivantes : pourquoi Thomas Sankara a-t-il été assassiné ? Comment cet assassinat a-t-il été rendu possible ? Quels rôles ont joué les services français et les dirigeants français de l’époque ? La DGSE savait-elle ce qui se tramait et a-t-elle laissé faire ? (voir (voir https://blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre/blog/110915/affaire-sankara-claude-bartolone-place-la-france-en-retard-sur-le-burkina). C’est donc bien en France que doit être menée l’investigation pour répondre à ces questions, contrairement à ce que feint de croire M Bartolone !

Maintenant que l’enquête juridique se tourne vers le France, quelle va être la réponse des autorités françaises ? Cette fois ce sont bien les autorités judiciaires burkinabè qui ont fait la demande, par commission rogatoire, de la levée du secret défense. Il sera difficile de répondre une deuxième fois par une pirouette. Il est grand temps que la France se penche sur ses actions passées en Afrique, plutôt que de s’enfermer dans le déni.