
Le toit de Notre-Dame a tout juste fini de brûler, l’émotion est encore fraîche, et déjà se pose la question de la reconstruction. Alors que certains en sont encore à stabiliser les murs latéraux (tombera, tombera pas…), d’autres commencent les comptes. Et parmi les points sensibles, il y a celui de la défiscalisation des énormes dons promis par les grandes fortunes du pays dans la nuit.
Derrière le drame réel qu’est la destruction de pans entiers de Notre-Dame, et justement parce que ce bâtiment est si emblématique, c’est donc un débat de fond qui s’amorce sur le développement du mécénat en France.
À Paris, on sait par exemple que Maurice de Sully, l’évêque qui lance le chantier de Notre-Dame dans les années 1160, s’apprêtait à accepter de fortes sommes d’un certain Thibaut, dit « le Riche ». Mais ce don fait débat parmi l’Eglise, car Thibaut est usurier, c’est-à-dire qu’il prête de l’argent contre intérêt : une pratique que certains religieux réprouvent. Alors que l’évêque était prêt à accepter l’argent, le plan doit être modifié. On exige que Thibaut fasse crier dans les rues de Paris qu’il se repent de ses pratiques et qu’il rende aux particuliers l’argent mal acquis, puis qu’il donne seulement le reste pour la construction de Notre-Dame. Comme cela, pas de scandale : la cathédrale ne sera pas construite avec de l’argent sale ! Un peu pour les mêmes raisons, certains ecclésiastiques se demandent à l’époque si on peut accepter l’argent des prostituées… et finissent par trancher que c’est possible, tant qu’elles ne sont pas trop maquillées !
Évidemment l’histoire de Thibaut le Riche est belle, parce qu’elle fait écho aux critiques actuelles, lesquelles considèrent que les énormes dons défiscalisés représentent de l’argent qui aurait dû, de toutes façons, finir dans les caisses de l’Etat ; et qui rappellent que ces ultra-riches devraient plutôt commencer par payer leurs impôts plutôt que d’intervenir ponctuellement. Il ne s’agit pas de jeter la pierre, mais plutôt de réfléchir au modèle que l’on veut adopter pour l’avenir. (...)