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le collectif critique
Acquisition et transmission du savoir
Article mis en ligne le 12 mai 2016
dernière modification le 9 mai 2016

Jamais autant de connaissances n’ont été mises à notre disposition par les outils numériques mais cette abondance fait illusion car elle réduit l’expérience acquise à un bien pesé à l’aune du néo libéralisme, un bien que les ordonnateurs et autres régulateurs du système veulent d’abord utilitaire, destiné à une application pratique et avant tout marchande au profit immédiat. De ce fait jamais la confusion entre savoir et connaissances n’a été aussi grande et jamais l’acquisition du savoir et sa transmission n’ont été aussi problématiques.

En effet, ce que l’on nomme savoir n’est pas une addition de lectures et d’expériences, recherchées pour un usage précis, une acquisition rapide et superficielle pour une action donnée, il n’est pas seulement composé de connaissances qui en sont certes les bases, mais qui en l’absence de l’expérience de pensée, ne permettent pas d’accéder à une analyse et une compréhension du monde. Le savoir est un immense univers de livres, d’images, de paroles, de musique que chacun doit s’approprier à son rythme afin d’acquérir une autonomie et une distance suffisante face aux connaissances disponibles et d’ouvrir sur une pensée critique.

Cette immersion est un lent travail jamais terminé qui passe aussi par la conversation, l’observation, l’écoutepartagés avec d’autres. Seuls ces échanges peuvent contourner des spécialisations qui trop souvent enferment et ainsi ouvrir sur un déploiement du savoir vers un autre usage, celui d’une réflexion critique. Et c’est par cette réflexion et la prise de distance que s’acquièrent une capacité réflexive et une autonomie de pensée car chacun construit son propre savoir dans un processus qui le transforme, à la fois par l’acquisition de ce savoir mais aussi par le travail qu’il effectue pour ce faire. (...)

La sélection sociale au profit des élites est patente et reconduit les inégalités quand elle ne les aggrave pas puisqu’elle permet de maintenir et de solidifier les pouvoirs et les hiérarchies en place. Dès le plus jeune âge, la transmission d’une relation au savoir devrait au moins respecter les rythmes de développement de l’enfant en tant que sujet à nul autre semblable, s’appuyer sur un échange à la fois entre enfants et entre adulte et enfant, sans compétition, non hiérarchisé et non discriminatoire avec l’autre, et ainsi poser les prémices d’une expérience du savoir et d’une curiosité intellectuelle qui ensuite se perdent rarement.
Le déploiement des connaissances offertes à chacun doit se faire de la manière la plus large possible en l’inscrivant dans l’histoire longue de nos sociétés. Les langues anciennes dites mortes mais dont la connaissance est nécessaire pour la compréhension des mots et la profondeur du langage, ne doivent pas être sacrifiées pas plus que les langues contemporaines négligées. Et l’exploration du plus grand nombre de disciplines et leurs croisements doivent permettre d’immerger la réflexion dans d’autres pensées, d’autres histoires, tout en construisant des référentiels de pensée cohérents toujours soumis à la critique. (...)

L’essentiel n’est cependant ni la multiplicité, ni l’exhaustivité, moins encore l’utilitarisme des savoirs mais bien de donner la capacité de comprendre des processus d’élaboration des pouvoirs, des institutions, des systèmes etc. (...)

L’instruction pour tous et toutes ne doit de toutes façons s’arrêter, ni à 16 ans, ni à aucun âge car au-delà de la constitution de ces socles individuels nécessaires pour chaque individu à l’appropriation d’un savoir personnel, la transmission des savoirs et la possibilité de permettre à l’auditeur, quel qu’il soit, jeune ou vieux, homme ou femme, d’être dans une posture d’écoute et de lecture critique doit se poursuivre. (...)

depuis le 31 mars 2016, Nuit debout sur la place de la République à Paris et depuis dans de nombreuses autres villes propose des lieux pour ce faire et plus encore, pour confronter les savoirs, les transformer et les régénérer. Dans de ateliers de réflexions aux multiples thèmes (Sciences debout, Avocat debout, Histoire de l’art debout etc), il invente des nouvelles formes d’expression du savoir, des prises de paroles inédites pour en faire un autre usage en mobilisant une pensée critique sur toutes les formes politiques existantes. Après l’expérience d’Occupied Wall Street, suivi d’autres formes de mouvements, tous créés dans des lieux symboliques, Nuit debout ouvre à son tour des espaces nouveaux de débats hors des institutions existantes, extérieurs aux structures formelles des Etats et engendrant des analyses et des échos planétaires. Inventant une nouvelle forme de démocratie révolutionnaire et redonnant sens à la souveraineté populaire. (...)

Comment convaincre quand, à la croyance du « c’est écrit » sur tel site ou tel blog, conçu et présenté comme simple et vrai, s’oppose une parole inscrite dans une argumentation forcément complexe reposant sur une longue analyse ? Le débat ne peut même pas avoir lieu, l’échange est dérisoire, les connaissances de l’un sont inaudibles à l’autre, elles glissent sans trouver de repères auquel s’accrocher pour argumenter.

Le travail individuel n’est donc pas suffisant s’il ne s’accompagne pas d’un recours à un échange collectif dans une confrontation qui multiplie les références puisées dans toutes les formes de savoir pourvu qu’elles soient étudiées, analysées et discutées.

L’élaboration intellectuelle d’un savoir devient alors possible, or il est indispensable pour lutter contre la dépolitisation (...)