
Les femmes des communautés rurales sur les terres desquelles empiètent les plantations industrielles sont victimes de violences sexuelles à grande échelle. Obligées de circuler dans et autour de ces plantations, leur vulnérabilité est aggravée par le contexte de pauvreté, d’impunité et d’inégalité de genre dans les prises de décision liées à la terre. Le silence autour de ces abus a trop duré.
La vie autour des plantations industrielles de palmiers à huile et d’hévéas est marquée par la violence. La situation n’est pas différente en Afrique de l’Ouest et centrale, où les gouvernements ont octroyé ces dernières années des concessions couvrant quatre millions d’hectares pour l’expansion des plantations industrielles de palmiers à huile. La plupart de ces concessions ont été attribuées à de grandes sociétés étrangères, comme la société agro-industrielle européenne Socfin, ou Olam de Singapour. Lorsque ces plantations industrielles empiètent sur les terres de communautés rurales, les violences sexuelles, les viols et les différents abus envers les femmes et les filles augmentent considérablement. Cette situation se retrouve partout où sont créées des plantations industrielles, indépendamment du fait que les plantations soient destinées à la production d’huile de palme ou de caoutchouc.
La plupart des femmes qui subissent des actes de violence sexuelle à proximité de ces plantations industrielles souffrent en silence. Peu d’entre elles signalent les agressions, les viols ou le harcèlement sexuel dont elles font l’objet, par crainte de représailles et de nouveaux abus de la part des autorités et du personnel de l’entreprise. Cet état de fait, à son tour, expose les femmes à davantage de violences et d’abus sexuels, les auteurs ne risquant pratiquement jamais de devoir rendre compte des actes de violence qu’ils infligent aux femmes. Les normes culturelles qui stigmatisent les femmes qui ont été violées, rejettent la faute sur les victimes et, pis encore, exposent leur famille à la honte. Trop souvent, les femmes souffrent non seulement en silence, mais aussi seules. (...)
Le travail dans les plantations, le seul moyen qui reste à de nombreuses femmes pour nourrir leur famille après que les entreprises de plantation aient pris le contrôle de leurs terres communautaires et détruit leurs moyens de subsistance (...)
Les directeurs de plantation et les agents de sécurité renforcent les risques de violence sexuelle, de viol ou de harcèlement des femmes, car ils utilisent leur position de pouvoir pour commettre de tels actes ou permettent à de tels actes de se produire sans que l’agresseur ne soit inquiété. (...)
Dans toute la région, de nombreuses sociétés de plantation font appel à des sous-traitants pour le désherbage, l’épandage de pesticides, l’utilisation d’autres produits chimiques, le nettoyage des godets pour le latex, etc. Les hommes et les femmes qui cherchent du travail comme journaliers ou sous contrat de courte durée auprès de sous-traitants disent qu’il est très fréquent que ces derniers extorquent de l’argent en échange de l’attribution de ces emplois peu rémunérés, tandis que les sociétés de plantation qui externalisent ces emplois ne prennent apparemment aucune mesure pour mettre fin à ces pratiques. Pour les femmes, c’est souvent là que commencent l’exploitation et les abus sexuels. (...)
Les femmes expliquent que les hommes chargés de recruter et de superviser les travailleurs sous contrat, appelés responsables de la sous-traitance, exigent régulièrement des rapports sexuels avant de confier un travail à une femme, ou exigent des rapports sexuels avant de verser à une femme le salaire qu’elle a gagné pour un travail déjà effectué, ou avant de prolonger un contrat de courte durée. Les femmes expliquent que celles qui refusent n’obtiennent pas de travail dans la plantation ou sont menacées de licenciement. (...)
Le harcèlement sexuel de la part des supérieurs hiérarchiques, des agents de sécurité et de leurs collègues masculins est également fréquent. (...)
Dans le cas où un contremaître prendrait des mesures, après avoir reçu une plainte des femmes signalant des abus, ces dernières pourraient recevoir une partie de leur salaire, mais être ensuite confrontées à des menaces permanentes.
Les sociétés n’ont mis en place aucune politique efficace pour prévenir et mettre fin à l’exploitation et aux abus sexuels dans leurs plantations. (...)
Un certain nombre de femmes au Liberia ont déclaré qu’elles avaient abandonné leur travail dans la plantation parce qu’elles « n’étaient pas prêtes à faire un double travail ». Elles ont pris ces décisions difficiles dans le contexte de l’extrême précarité dans laquelle elles vivent, qui trouve son origine dans la prise de contrôle par les sociétés de plantation des terres de la communauté et prive les femmes des terres nécessaires pour produire l’alimentation pour leur famille. (...)
Ce qui rend cette situation encore plus intolérable, c’est le silence qui entoure ces violences et abus sexuels. Dans les communautés riveraines des plantations de toute la région, la plupart des femmes ont le sentiment qu’elles ne peuvent pas signaler ces actes de violence et d’abus à la police ni informer leur famille. (...)