
A la loi du silence imposée par la Commission européenne autour des négociations sur l’accord commercial ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), les citoyens européens ont répondu par la logique de l’engagement. Le 26 janvier, 22 pays signaient l’ACTA au Japon. Parmi eux, la Belgique. Cet accord, qui concerne les droits de propriété intellectuelle au sens large, est négocié depuis cinq ans, mais il a fallu attendre avril 2010 avant qu’une version ne soit rendue publique.
Avant même la signature, des manifestations ont éclaté en Pologne, dans la foulée des protestations contre SOPA (Stop Online Piracy Act) et PIPA (Protect IP Act) aux États-Unis, marquées par le blackout de Wikipédia, Redditt et de milliers d’autres sites et l’opposition de millions d’internautes qui ont littéralement permis de reléguer (momentanément, du moins) ces lois aux oubliettes du Sénat et du Congrès américains.
Aux 20 000 personnes qui ont marché dans les rues de Cracovie et de Wroclaw se sont ajoutés des milliers d’autres, dans plus de 200 villes européennes ce weekend (dont des dizaines de milliers en Allemagne). Il faut dire que depuis la signature d’ACTA à Tokyo, tout allait de travers pour les tenants de cet indigeste pensum touche-à-tout et leurs soutiens.
(...) N’en déplaise à Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur, qui s’est fendu d’une conclusion particulièrement remarquable dans un article traitant d’ACTA et du droit d’auteur, sur ceux qu’il appelle les “pirates” : “Les pirates sont sympathiques et distrayants. Mais ils sont essentiellement mus par l’agressivité, l’avarice et l’inculture. Ils sont comme leurs homologues des Caraïbes, Barbe-Noire ou Rackham-le-Rouge. Ils font rêver les spectateurs et plaisent aux enfants. Mais mieux vaut ne pas tomber entre leurs mains…” (...)
Dans les anti-ACTA, on retrouve une belle brochette d’individus et d’organisations qui, à l’inverse de Joffrin, n’ont pas évacué le contenu d’ACTA pour appuyer sur un “infantilisme” présupposé des “pirates du net” . Parmi ceux-ci :
Oxfam : dangereuse organisation de pirates fondée à Oxford, en Angleterre, ilot rebelle et punk sans foi ni loi à l’ouest de Londres. Sa branche française a émis un communiqué en décembre 2011 sur les risques qu’ACTA faisait peser sur les médicaments génériques.
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Article 19 : une ONG active dans le champ de la liberté d’expression, mais qui abrite sans doute de dangereux groupuscules de pirates dépositaires d’un agenda caché visant à instaurer l’ère du téléchargement illégal généralisé. Article 19 craint des entraves “à la libre circulation des informations et au libre échange des idées entre individus, globalement et particulièrement via Internet” et insiste sur le déséquilibre, dans le traité, entre les “intérêts en matière de propriété intellectuelle des compagnies privées” et les “droits des individus à la liberté d’expression et d’information”.
Treize lauréats du Prix Sakharov pour la liberté de penser, tous connus pour leurs grands instincts de pirates “incultes”, voire barbares, ont signé un appel aux membres du Parlement européen afin qu’ils rejettent ACTA
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