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La Croix
A quelques voix près, le Japon sourd au mouvement #MeToo
Article mis en ligne le 8 avril 2018

Rinko Nakajiri dit avoir été violée à 17 ans par un producteur qui lui avait promis de lui faire enregistrer un disque, mais elle n’avait jamais révélé son agression, terrifiée à l’idée de briser ses rêves de carrière.

Vingt ans plus tard, cette femme au foyer a quitté depuis longtemps le monde de la musique et a décidé d’affronter ses démons, encouragée par le mouvement #MeToo de libération de la parole des victimes de violences sexuelles.

Si cette vague a gagné de nombreux pays, elle est restée limitée au Japon où seuls quelques témoignages ont émergé, dans un pays où les victimes de tels actes sont plutôt encouragées à se taire.

"C’est presque impossible de parler de cela au Japon", raconte Rinko Nakajiri à l’AFP. "Il y a un tabou terrible sur le viol. Les gens préfèrent que ce soit tenu secret".

Cette mère de deux enfants raconte avoir été agressée "dans un studio tard le soir (...) et à de nombreuses reprises après cette première fois". "Je craignais que ma carrière ne soit terminée si j’avais résisté ou si j’en avais parlé", explique-t-elle. (...)

Ha-Chu, auteure et blogueuse, est l’une des exceptions. Elle a relaté en décembre avoir été harcelée par un responsable de la création du groupe de publicité Dentsu, Yuki Kishi, lorsqu’elle y travaillait. Son témoignage a été relayé par plusieurs médias et M. Kishi s’est publiquement excusé.

Après avoir travaillé pour Dentsu, il avait fondé sa propre société et a annoncé, à la suite de ces révélations, qu’il allait démissionner, expliquant "éprouver une grande responsabilité (...) pour avoir suscité de l’émoi dans l’entreprise".

Au Japon, où la société reste teintée d’un certain patriarcat, dénoncer ce genre de violences n’est pas sans conséquences.

Shiori Ito a payé le prix fort lorsqu’elle a raconté son histoire l’an dernier. (...)

"J’ai reçu des messages me traitant de salope, de prostituée", se souvient la journaliste, qui s’est récemment exprimée au siège des Nations unies.

"J’ai aussi reçu des menaces et j’ai craint pour la vie de ma famille", confie-t-elle.

La journaliste a également déploré un examen médical qui a tourné à "l’interrogatoire" et dénoncé l’attitude des policiers, qui lui ont demandé de mimer son viol, une poupée grandeur nature représentant son agresseur présumé. (...)

La police a attendu trois semaines avant d’ouvrir une enquête et l’agresseur présumé, qui a nié les accusations, n’a pas été inquiété. Shiori Ito a lancé une procédure civile contre lui. (...)

Au Japon, "beaucoup d’hommes pensent que le corps des femmes leur appartient", constate Sachi Nakajima, estimant que dans ce pays "la définition du consentement est complètement faussée".

"Si vous allez dans un commissariat pour dénoncer un cambriolage, on ne vous dit pas +pourquoi n’étiez-vous pas chez vous à ce moment là ?+. C’est tout aussi absurde de dire (aux femmes dénonçant une agression) : +Vous devez l’avoir provoquée+", s’indigne-t-elle.