
La culture du cacao pose de nombreux problèmes sociaux et environnementaux, notamment dans les principaux pays producteurs d’Afrique de l’Ouest. Or, les alternatives bio et équitables au chocolat, si elles assurent quelques garanties, sont encore insuffisantes.
Les Français sont très friands de chocolat : ils en consommeraient un peu plus de 7 kilos par an et par personne, tandis que le marché national du chocolat est, lui, évalué à plus de 3 milliards d’euros, selon le Syndicat du chocolat. Mais s’il est un plaisir coupable, ça n’est pas seulement pour des raisons diététiques : cette gourmandise, exaltée lors des fêtes de Noël et Pâques notamment, n’est pas dénuée de conséquences dans les principaux pays producteurs de fèves de cacao. (...)
Aujourd’hui, si les firmes chocolatières s’alarment des risques de « pénurie » face à la hausse de la consommation sur les marchés émergents, la production de fèves a, elle, doublé en trente ans pour atteindre 4 millions de tonnes annuelles selon le Cocoa Barometer, principalement à destination des grands groupes industriels (Cadbury, Nestlé, Mars, Mondelez). Or la culture cacaoyère, sous les tropiques et majoritairement en Afrique de l’Ouest (Côte-d’Ivoire, Ghana, Nigeria), contribue à la déforestation dans ces pays producteurs. « Il y a toujours eu une concurrence entre le cacao et la forêt, mais les victimes actuelles ce sont les forêts d’Afrique de l’Ouest et d’Asie du Sud-Est », explique Frédéric Amiel, coordinateur national des Amis de la Terre et auteur d’une Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat (les Editions de l’atelier, 2021). Selon lui, « la déforestation s’accompagne d’une pollution des milieux assez mal évaluée (...)
Le défrichement illégal des forêts primaires est en fait une conséquence de la pauvreté dans laquelle sont maintenus la grande majorité des cacaoculteurs. La raison ? Le prix faiblement rémunérateur du cacao, autour de 2 500 dollars la tonne sur le marché mondial. « C’est lié à l’organisation générale de la filière, au sein de laquelle quatre ou cinq grands fabricants de chocolat en milieu de chaîne concentrent les achats et la façon dont se diffuse le prix dans un contexte de surproduction, poursuit Frédéric Amiel. Dans les années 90, les structures collectives de négociations des producteurs, notamment les coopératives, se sont aussi effondrées ce qui fait que sur le terrain, les cacaoculteurs sont à la merci des transporteurs qui leur imposent les prix qu’ils veulent. » Et à leur pauvreté s’ajoutent le travail des enfants – on estime à 1,5 million le nombre de mineurs enrôlés dans la cacaoculture en Côte d’Ivoire et au Ghana – et les violations des droits humains dans les plantations illégales. (...)
Que valent les « certifications » bio et « commerce équitable » ?
Fairtrade /Max Havelaar, Fair for Life, Biopartenaire, label bio européen… Tout un tas de certifications sont apparues ces vingt dernières années sur les produits chocolatés. Ces labels, pour certains publics et pour d’autres privés, sont censés garantir un prix minimum d’achat et la traçabilité de la matière première pour ceux relevant du commerce équitable ou le respect d’exigences environnementales (le non-recours aux pesticides par exemple) dans la culture du cacao, pour ceux du bio (...)
De belles promesses ? « Le consommateur a l’impression de faire un geste pour les planteurs et c’est mieux que rien. Mais cela reste insuffisant en termes de rémunération », admet Christophe Bertrand, secrétaire général de la Confédération des chocolatiers (...)
Car les revenus pour les producteurs restent généralement insuffisants malgré ces systèmes encore marginaux dans la production mondiale. Sans compter qu’il est souvent difficile pour les cacaoculteurs d’obtenir une labellisation bio. (...)
Un chocolat plus vertueux est-il possible ?
Oui, mais à certaines conditions : que les producteurs soient mieux rémunérés, qu’ils puissent se tourner vers des façons de cultiver plus écologiques, comme l’agroforesterie (soit en associant la culture du cacao à d’autres arbres ou cultures) et que la provenance du cacao soit connue. (...)
Autre piste pour le consommateur : comme pour le vin, ne se fier qu’au chocolat avec une appellation géographique (du Pérou, du Nicaragua, d’Haïti ou de Madagascar, entre autres). « Les cacaos comme les vins ont des cépages. Pour le cacao, c’est le même enjeu d’image : un cacao éthique devrait être de pure origine et d’un seul terroir », assène Christophe Eberhart d’Ethiquable. Mais tout cela a évidemment des répercussions sur les prix de la tablette lors du passage en caisse.