
Destinée au contournement de Montpellier, la gare de La Mogère est censée ouvrir fin 2017. En... zone inondable ! Et qui ne servira presque à rien. Les travaux se poursuivent, mais la nouvelle majorité régionale hésite à financer ce gaspillage, réfléchissant à sa politique pour les transports.
Sur des centaines d’hectares au sud de Montpellier, grues et gravats ont remplacé les champs. Seul un petit tapis verdoyant subsiste, traversé par un mince filet d’eau, « qui peut se transformer en torrent lors des épisodes cévenols », assure M. Bessières. En face, une imposante structure de béton est sortie de terre. Des maçons s’activent, et le moteur des tractopelles couvre le ronronnement de l’autoroute voisine. « C’est ici qu’ils construisent la future gare de La Mogère. Quand j’étais petit, il n’y avait que des fermes. »
Cette gare a déjà un nom, Montpellier-Sud-de-France, une date d’ouverture, décembre 2017, et une réalité physique : une immense dalle posée sur de hauts piliers. Pourtant, son financement est aujourd’hui remis en cause. (...)
Une trentaine de réunions publiques, un questionnaire en ligne, des débats… Bref, une vaste consultation, d’avril à fin juin, pour discuter ferroviaire… et aborder les sujets qui fâchent, comme la gare de La Mogère. Pour Michel Julier, accro à la petite reine et porte-parole du collectif Stop Mogère, ces états généraux sont l’occasion rêvée de prouver l’inutilité de cette gare : « Plus personne ne se donne la peine de prétendre qu’elle serve à quelque chose. » À l’issue de cette concertation, le conseil régional pourrait décider de se retirer définitivement du projet et ainsi compromettre sa poursuite.
Argent ou pas, sur place, le ballet des tracteurs continue. Joint au téléphone par Reporterre, le maire de Montpellier, Philippe Saurel, reste sceptique quant à une interruption possible du chantier : « Je ne vois pas comment arrêter une gare qui va être finie dans un an. » (...)
En zone inondable...
« Un pôle d’affaires a été pensé autour de la gare, poursuit SNCF-Réseau. Ce pôle d’échange multimodal sera au cœur du projet “Oz nature urbaine”, un centre d’affaires, campus créatif, ville résidentielle, intense ou commerçante… intimement mêlés à la nature. » Pour Michel Julier, l’affaire est entendue : « La gare n’est qu’un prétexte à poursuivre des projets immobiliers. » C’est surtout la concrétisation d’un vieux rêve. Dès la fin des années 1980, l’ancien maire, George Frêche, déclarait vouloir installer « Montpellier au bord de la Méditerranée »… en grignotant via l’urbanisation la dizaine de kilomètres qui sépare la ville de la mer. (...)
Ce rêve pourrait virer au cauchemar, car la future gare est aujourd’hui située en zone inondable. La partie centrale se trouve même en zone rouge du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) (...)
« Construire une gare TGV et un quartier dans une zone inondable serait une erreur lourde de conséquences, estime le collectif citoyen Eau secours 34. Imperméabiliser 30 hectares sur 60 dans une zone d’expansion de crues en serait une autre. » La preuve n’est plus à faire : l’artificialisation des sols limite l’écoulement, augmente le ruissellement et donc le risque d’inondations. Pour faire face aux crues, les maîtres d’ouvrage prévoient grand : surélévation de la gare, bassins de rétention, compensation des sols imperméabilisés. D’ailleurs, d’après Philippe Saurel, « l’enquête publique n’ayant pas contredit l’emplacement, j’imagine que la gare n’est pas inondable ».
Ces arguments ne convainquent pas les opposants : « La construction de bassins de rétention ne peut garantir une protection efficace contre de très fortes inondations, et cela dans un contexte où le changement climatique a déjà entraîné une augmentation de 30 % de l’intensité des épisodes méditerranéens en 50 ans », tranche Eau secours 34. Une nouvelle enquête publique devrait être lancée concernant les futurs bassins de rétention, nommés « Parc de la Mogère ».
Le collectif Stop Mogère demande donc l’abandon du projet de gare, après la finition de la dalle-pont, quasiment achevée. Elle pourrait servir de plate-forme de triage pour le fret. Quid alors des 135 millions d’euros que coûtent La Mogère ? « Une bonne partie est déjà versée, et le consortium privé réclamerait à coup sûr des indemnités, craint Philippe Saurel. Nous sommes pieds et poings liés dans cette affaire ! » Mais personne n’est en mesure d’évaluer véritablement le coût d’un abandon. La région réalise en ce moment une estimation. (...)
« Grande vitesse ou trains du quotidien, que privilégie-t-on ? » (...)