
Des manifestants ont dénoncé le 26 novembre l’explosion des annonces Airbnb et la gentrification d’un quartier de Marseille. Le prix des loyers a largement augmenté ces dernières années.
« Vous deviez me donner les clés en main propre ! » Valise à roulettes dans une main, téléphone dans l’autre, Mickaël ] mime sous les rires du public une scène devenue familière aux habitants du quartier : des touristes qui débarquent pour le week-end et patientent devant la porte de l’immeuble, en attendant de récupérer leur Airbnb.
Depuis quelques années, ce genre de scènes s’est démultiplié. Marseille attire. Longtemps jugée « sale », « dangereuse » et « polluée », la ville est soudain devenue « hype ». Il est tout à fait banal pour des Parisiens, des Lyonnais ou des Nantais de débarquer « dans le sud » pour le week-end. La mer et le soleil 300 jours par an et à 3 heures de TGV : au lendemain du confinement, la promesse a de quoi séduire. Conséquences directes : la ville connaît depuis quelques années une hausse continue de ses loyers (le prix du m² a augmenté de 30 % en trois ans) et voit le nombre de ses Airbnb exploser. (...)
C’est pour défendre le quartier de la Plaine face à la « airbnbisation » et à la gentrification en cours que quelques centaines de personnes se sont réunies samedi 26 novembre après-midi, armées de valises à roulettes — symbole des locations en Airbnb — pour une déambulation joyeuse, un charivari. (...)
« Montée en gamme » du quartier
Le lieu de rassemblement est tout sauf un hasard. La Plaine est un quartier populaire emblématique, situé en plein centre-ville, qui est parvenu au fil des ans à maintenir une vraie diversité sociale : artistes, forains, étudiants et habitants historiques s’y côtoient. La place a connu une rénovation houleuse. (...)
Les habitants, rassemblés au sein de l’Assemblée de la Plaine, se sont mobilisés pour refuser ce nouveau quartier qu’on veut leur imposer. Le chantier a été perturbé, forçant la mairie à ériger un mur en béton enserrant toute la place. « Un mur de la honte », selon les opposants.
Quatre ans plus tard, la place a été « livrée ». Avec quelques changements sur les avis de paiement des locataires. « On voit les effets de la gentrification. Depuis deux ans, les loyers ont explosé », soupire Arthur, immeuble en carton sur la tête. « On défend simplement une vie de quartier. On ne veut pas devenir la Croix-Rousse à Lyon, devenu un quartier post-bobo, précise Blaise, pancarte autour du cou. Si le tourisme n’est pas contrôlé, il va nous péter à la gueule. » (...)
La foule se met en marche, se dirige vers le Cours Julien, récemment nommé dixième « quartier le plus cool du monde » par le magazine anglais Time Out. Le titre vante ses « magasins de vêtements vintage, ses librairies d’occasion et ses anciens entrepôts reconvertis en galeries d’art branchées » avant de proposer un lien vers… les meilleurs Airbnb sur place. (...)
Alors, que faire face à la multinationale étasunienne ? « Ce qu’on veut, c’est interdire Airbnb à ces multipropriétaires qui possèdent quinze appartements et qui se foutent de la vie de quartier », détaille Marie, habitante du quartier depuis vingt ans. L’encadrement strict des loyers, la défense des commerces de proximité, la réquisition des logements vacants font aussi partie des revendications évoquées par les manifestants. De quoi donner quelques idées à la mairie de Marseille, au moment où s’ouvrent les états généraux du logement, voulus par la Ville. (...)
La déambulation s’est poursuivie par la rue d’Aubagne. C’est là, aux numéros 63 et 65, que deux immeubles se sont effondrés le 5 novembre 2018, tuant huit personnes et révélant l’ampleur du mal-logement dans cette ville. Aujourd’hui, à l’heure où marchent les militants, l’on peut trouver à une rue de là cette annonce sur Airbnb : « Maison digitale et engagée de 18 chambres refaites à neuf », 550 euros la nuit. Une affaire.
La déambulation est ensuite passée devant une conciergerie Airbnb, dont la vitrine a été prise d’assaut à coup de bombes de peinture et de jets de bouteilles. Puis les manifestants ont remonté la Canebière, où, devant le commissariat, des manifestants ont collé des autocollants sur les camions de CRS. Trois personnes ont été interpellées, et relâchées le lendemain matin.