
Ce week-end, des milliers de manifestants venus de toute l’Europe envahiront les rues de Francfort, épicentre des marchés financiers européens, pour contester les politiques d’austérité et le futur « Pacte budgétaire ». Après la victoire de la gauche radicale en Grèce, les mouvements sociaux tournent leur regard vers les Irlandais qui devront se prononcer sur le Pacte budgétaire par référendum le 31 mai. Face au néolibéralisme des institutions européennes, la riposte transcende les frontières.
(...) Le quartier d’affaires de Francfort, haut-lieu de la finance allemande et européenne, se barricade. La banque Barclays y a démonté le sigle qui orne sa façade. L’immeuble de la Commerzbank, l’une des plus hautes tours d’Europe, est fermé. Tout autour, les agences bancaires, mais aussi la Bourse allemande et la Banque centrale européenne (BCE) se sont claquemurées. De qui ont-ils peur ?
Des mouvements sociaux qui appellent à l’occupation du quartier des banques et de la BCE du 17 au 19 mai. « La manifestation du 19 mai est autorisée suite au recours déposé par Attac Allemagne contre l’interdiction des autorités. On a au moins gagné ça », lâche Verveine Angeli, membre d’Attac France et de l’Union syndicale Solidaires. « En revanche, les dizaines d’indignés qui campaient depuis octobre devant la BCE ont été délogés mercredi ».
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Par leur réaction sécuritaire et les atteintes aux libertés, les autorités allemandes semblent prêtes à tout pour protéger la BCE et les banques qui profitent de ses généreux prêts. (...)
Pour les mouvements sociaux, la BCE est une des trois composantes de la Troïka, avec le Fonds monétaire international et la Commission européenne, qui généralisent les politiques d’austérité en Europe (...)
A l’initiative de cette mobilisation, des mouvements de type Occupy, Attac Allemagne, la gauche radicale, des organisations politiques allant de l’extrême gauche à Die Linke, mais aussi des comités citoyens de lutte contre l’austérité. « Le fait que l’on assiste à une contestation du modèle allemand de l’intérieur est très significatif, ajoute Verveine Angeli, alors même qu’on essaie de faire de l’Allemagne la référence en Europe » (lire aussi notre entretien avec Birgit Mahnkopf, d’Attac Allemagne
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En quoi consiste cet obscur Pacte budgétaire ? Le 1er mars dernier, 25 chefs d’États sur 27 [1] ont signé un nouveau traité, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire (TSCG), qui devrait entrer en vigueur au début de l’année 2013. Ce traité, dénommé « Pacte budgétaire », est présenté comme un remède à la crise par les gouvernements européens et la « Troïka ». Il prône la discipline budgétaire et un contrôle plus étroit des finances publiques via l’introduction dans les pays membres de la « règle d’or ». Le Pacte budgétaire impose ainsi aux États signataires d’engager des réformes immédiates pour réduire leur « déficit structurel » [2] sous la barre de 0,5 %. Un concept fortement controversé qui n’a de sens que dans une optique néolibérale. (...)
« Ce pacte budgétaire représente un moyen de contraintes a priori sur les politiques de dépenses des États, et du coup sur toutes les politiques publiques, relève Verveine Angeli. Il pèse de façon importante et sur le long terme sur ces politiques. » Ou comment tirer une croix sur tout levier budgétaire pour financer une transition écologique et sociale. (...)
François Hollande réclame une renégociation du traité de discipline budgétaire, pour y ajouter des mesures de croissance. « Qu’elle soit fondée sur la dépense publique et la demande ou sur la compétitivité par l’abaissement du coût du travail et les "réformes structurelles" (selon la vision d’Angela Merkel), la croissance en soi n’est aucunement un gage de progrès social et encore moins environnemental », souligne Attac France. « La croissance est un problème, pas une solution », affirme de son côté Pierre Rabhi, paysan-philosophe. « Notre modèle de société montre son inadéquation, son incapacité à continuer. Si nous nous y accrochons, ce sera le dépôt de bilan planétaire. »
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« Une croissance est possible, souligne Verveine Angeli, celle de la reprise du fonctionnement des services publics en Grèce pour remettre le pays à flots ».
Un appel d’air pourrait venir de l’Irlande. Les Irlandais sont invités à se prononcer par référendum sur le traité le 31 mai. Or, le Pacte budgétaire n’entrera pas en vigueur tant que 12 des 17 États de la zone euro ne l’auront pas ratifié. Et le « oui » n’est pas sur de l’emporter en Irlande. (...)
A l’autre bout de l’Europe, en Grèce, le succès remporté par Syriza, coalition de mouvements politiques de gauche, lors des législatives du 6 mai constitue également un événement de taille face aux politiques de la Troïka. « A la faveur de ce qui se passe en Grèce, et des reculs de Merkel au niveau électoral, il y a semble t-il une ouverture dans le débat public qui n’existait pas jusqu’à maintenant, analyse Verveine Angeli. Désormais on peut interroger l’efficacité de l’austérité appliquée en Grèce. » L’ouverture d’un débat, inimaginable il y a quelques mois, est désormais envisageable. Mais cela suppose d’établir des passerelles entre l’ensemble des mouvements