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Libération
A Bruxelles comme à Paris, endiguer le virus du libre-échange
Article mis en ligne le 8 juillet 2020

Tribune. En pleine pandémie de Covid-19, il ne manquait aucun dirigeant politique pour promettre à l’opinion publique qu’à la mondialisation incontrôlée succéderait un processus de relocalisation des activités jugées « stratégiques ». « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner à d’autres est une folie », avait ainsi affirmé Emmanuel Macron dès le 12 mars. « Nous devons en reprendre le contrôle », ajoutait-il solennellement, comme pour marquer une volonté de tourner la page. Quelques semaines plus tard, c’est à se demander si la « relocalisation » n’est déjà plus qu’une promesse enterrée.

Fin avril, la Commission européenne annonçait un nouvel accord de commerce et d’investissement avec le Mexique visant à faciliter l’importation de produits agricoles et d’énergies fossiles en Europe, et à ouvrir les marchés publics locaux mexicains aux multinationales européennes qui, en retour, seraient protégées par un nouveau mécanisme de règlements des différends investisseurs-Etats pourtant si décriés. Comme pour entériner cette orientation, le commissaire européen au Commerce, Phil Hogan, déclarait quelques jours plus tard « avoir besoin de davantage d’accords de libre-échange ». Une orientation que ses équipes, même en télétravail, ont mise en œuvre avec zèle : en plus de l’accord avec le Mexique, des négociations ont été organisées avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie, visant notamment à importer toujours plus de viande.

De plus, la Commission n’a toujours pas abandonné l’idée d’amadouer Donald Trump avec des concessions en matière alimentaire et sanitaire. Alors que la pandémie de coronavirus révèle au grand jour les fragilités économiques, sociales et sanitaires engendrées par la mondialisation néolibérale et productiviste, la Commission veut en sauver le principe, en insérant toujours plus d’entreprises, activités et emplois dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le tout alors que le droit international du commerce et de l’investissement réduit le pouvoir de réguler des autorités publiques et protège les intérêts des investisseurs. (...)

A Bruxelles, le mot « relocalisation » est d’ailleurs déjà banni des discussions. Il a été supplanté par le terme « autonomie stratégique », que la Commission affuble désormais de l’adjectif « ouverte » (« open strategic autonomy ») pour indiquer qu’il n’est pas envisagé de remettre en cause le principe de la libéralisation des marchés et de l’ouverture de l’Union européenne aux investissements étrangers. Il n’est plus question, si cela n’a jamais été réellement envisagé, de relocaliser massivement l’activité économique.Déverrouiller les conditions de possibilité d’une politique écologique et solidaire, voilà ce qui devrait guider l’action de celles et ceux qui ne veulent pas que le jour d’après ne soit qu’un éternel recommencement, en pire, du jour d’avant. Pour relocaliser, c’est maintenant qu’il faut agir. (...)

Après, comme avant la pandémie, la Commission veut décourager les restrictions aux échanges par une ouverture continuelle des marchés afin de sécuriser l’accès aux matières premières, garantir aux multinationales européennes leur mainmise sur les chaînes d’approvisionnement à des coûts aussi faibles que possible, et les aider à conquérir de nouveaux marchés. (...)

Emmanuel Macron n’a toujours pas cherché à construire d’alliance au sein du Conseil européen pour s’opposer à la finalisation et à la ratification de nouveaux accords de commerce. Puisque les Parlements autrichien, wallon et néerlandais ont voté des résolutions contre l’accord de commerce avec le Mercosur, une telle minorité de blocage serait bienvenue pour mettre fin à cet accord jugé climaticide mais qui reste une des priorités de la présidence allemande de l’UE, débutant le 1er juillet, et qui serait, selon Phil Hogan, sur les rails pour être soumis à ratification dès le mois d’octobre. (...)

Relocaliser, c’est remettre les pieds sur terre. Relocaliser, c’est tourner la page d’une politique commerciale qui fait du dumping social, fiscal et écologique un horizon indépassable. Relocaliser, c’est ne plus faire de l’emploi et de la planète les variables d’ajustement de la rentabilité économique et financière. (...)

Déverrouiller les conditions de possibilité d’une politique écologique et solidaire, voilà ce qui devrait guider l’action de celles et ceux qui ne veulent pas que le jour d’après ne soit qu’un éternel recommencement, en pire, du jour d’avant. Pour relocaliser, c’est maintenant qu’il faut agir.