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80 milliards d’euros sont volés chaque année par l’évasion fiscale. La société civile lance la bataille
Article mis en ligne le 3 avril 2017

Un an après les Panama papers, la société civile du monde entier lance une semaine mondiale d’action contre l’évasion fiscale. Celle-ci coûte 80 milliards d’euros à la France. Mais les candidats à la présidentielle n’en parlent presque pas.

Le 3 avril 2016, des médias du monde entier publiaient les premières révélations dites des « Panama papers ». Grâce à une fuite sans précédent de documents concernant 214.000 sociétés offshore, un collectif international de journaliste d’investigation révélait des pratiques de blanchiment d’argent et de fraude fiscale organisées.

C’est cette date qu’ont choisie Attac et l’Alliance globale pour la justice fiscale, coalition d’ONG luttant contre l’évasion et l’optimisation fiscales, pour mener une « semaine mondiale d’actions contre l’évasion fiscale ». Au-delà des fuites et révélations, il s’agit du « reflet d’une demande citoyenne de transparence et de justice fiscale », dit Marie-Antonelle Joubert, chargée de communication pour l’Alliance.

Les Panama papers ont-ils marqué un tournant ? Oui selon Lucie Watrinet, spécialiste de ces questions au CCFD Terre Solidaire : « Ils ont marqué l’histoire de notre mobilisation en créant une onde de choc qui a traversé tous les continents et entraîné énormément de mobilisations de l’Islande au Pakistan, l’ouverture d’enquêtes avec plus de 150 instructions dans le monde, des contrôles fiscaux, la démission de dirigeants. »

« On peut dire merci au Panama papers. Depuis un an, la demande est bien plus forte, les gens se rendent compte qu’il faut arrêter de croire que c’est une question technique : il y a des principes d’équité qu’il s’agit de mettre en place », confirme Marie-Antonelle Joubert. (...)

Une table-ronde avec les candidats à la présidentielle ou leurs représentants (organisée par ActionAid France, Attac, CCFD-Terre Solidaire, Oxfam, Solidaires Finances Publiques, Transparency International Plateforme Paradis fiscaux et Judiciaires) doit avoir lieu ce lundi après-midi 3 avril, dans le cadre de la semaine d’actions. Mais tous ne seront pas présents (François Fillon a décliné l’invitation, Marine Le Pen n’a pas été invitée). Les associations sont en train d’analyser dans le détail les programmes par rapport à leurs revendications : « C’est assez inégal, et pas très précis » déplore Lucie Watrinet. (...)

Du côté d’Attac, le choix a été fait de ne pas interpeller les candidats. « C‘est un gros travail qui aboutit à des promesses que les candidats ne tiennent pas. Mais nos avons la volonté de perturber cette séquence, de ne pas rester à la place qu’on voudrait nous donner » explique Wilfried Maurin. Attac veut « contrer le discours dominant » avec un rapport Rendez l’argent, publié fin mars et qui liste des mesures permettant de récupérer l’argent de l’État. Mais Attac veut aussi poursuivre les actions de désobéissance civile (...)

La semaine d’action s’inscrit dans ce cadre. En France, elle est portée par de nombreuses organisations (Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, ActionAid France, Anticor, ANV COP 21, Attac, Bizi !, la CGT, la CGT Finances, le CCFD-Terre Solidaire, CEO, le Collectif Roosevelt, Les Amis de la Terre, OCTFI, Oxfam, Sherpa, Solidaires Finances Publiques, le collectif Tournons la Page, Transparency International France). « C’est en menant un front large qu’on aura des avancées, entre actions de terrain et plaidoyer » plaide Wilfried Maurin, même si tous les signataires de l’appel à mobilisation n’endossent pas l’ensemble des actions mises en place.

Lundi 3 avril, les Faucheurs de chaises doivent « mettre la BNP sur le banc des accusés ». Mardi, un « lobby tour spécial taxes » est organisé : une balade à la Défense et dans le 8e arrondissement parisien. Le but : « Mettre en lumière les entreprises qui pratiquent l’optimisation fiscale agressive. On a dit aux gens de venir avec leur perche à selfie, l’idée étant d’aborder cela de manière décalée tout en donnant des infos sur différents scandales » selon Lucie Watrinet.

Enfin mercredi, le collectif McDo passe à la caisse (CGT McDo Île de France, Sud Commerces, React, MNCP, Unef et Attac) organiseront des « happy hours fiscales », inspirées de la campagne « Fight for fifteen » aux États-Unis. « Les McDo franchisés versent jusqu’à 24 % de leur chiffre d’affaire en redevance au groupe, montants qui sont transférés au Luxembourg et donc non imposés. Cela signifie qu’à partir de 18 h chaque jour, les McDo travaillent pour l’évasion fiscale et pas pour la France. D’où l’idée de faire des « happy hours fiscales » à partir de 18 h », explique Wilfried Maurin.

Un front large, en France comme dans le monde (...)

Mais il ne faut pas oublier le reste du monde. « On ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant d’évènements », dit Marie-Antonelle Joubert de l’Alliance globale pour la justice fiscale. « Dans chaque pays, les enjeux et le type de mobilisation sont différents, mais on se rassemble autour des mots d’ordre de justice fiscale, transparence et fin des paradis fiscaux. » (...)

« Il faut que la société civile s’organise au niveau global parce que le problème est global. Mettre les gens en réseau et traduire les recherches qui sont faites, cela permet que chacun ne réinvente pas la poudre de son côté. Cela permet également de travailler ensemble : on sait à qui demander pour savoir si telle entreprise paie des impôts dans tel pays. » Face à l’organisation mondialisée des multinationales, le mouvement pour la justice fiscale veut rattraper le retard pris par les Etats.