
Le texte adopté en 2021, qui vise à stopper l’artificialisation des sols en 2050, fait l’objet de multiples remises en question par le gouvernement et le Parlement. Parmi les exonérations : les bâtiments agricoles, qui sont pourtant une source majeure d’artificialisation des sols dans le nord du Finistère.
L’euphorie de l’urbanisation a désormais une date de péremption. En France, ce sera 2050. Dans vingt-six ans, on ne consommera plus de terres naturelles ou agricoles pour y construire des bâtiments, des routes ou des parkings. À moins de rendre à la nature des terres déjà bétonnées. C’est en tout cas la promesse du ZAN, ou « zéro artificialisation nette », un principe introduit par la loi climat et résilience.
Sur les côtes bretonnes, la loi littoral limitait déjà le « mitage » de l’espace rural, tant bien que mal. Avec le ZAN, les collectivités seront mieux armées pour résister aux assauts immobiliers. Depuis le début de l’année, une commune peut d’ailleurs refuser un permis sur un terrain constructible s’il compromet son objectif de réduction de l’artificialisation.
Mais depuis l’adoption de la loi en 2021, parlementaires et ministres ont largement assoupli son application. (...)
Les critères de répartition des droits à artificialiser sont particulièrement élaborés, afin de prévenir toute injustice. Ce souci d’équité rend encore plus surprenant une omission de taille, dans tous ces calculs : les bâtiments agricoles, qui ne sont pas pris en compte par le ZAN jusqu’en 2031, selon un décret ministériel. (...)
Principale cause d’artificialisation dans certaines communes
Puisque le ZAN vise à protéger les terres agricoles aussi bien que les espaces naturels, l’agriculture ne représenterait donc pas de menace pour les sols, au contraire de l’industrie, des services publics ou de l’habitat. Les serres comme les étables participent pourtant bien à l’artificialisation des sols. C’est même leur principale cause dans certaines communes. (...)
L’artificialisation des sols par l’immobilier agricole s’est poursuivie depuis 2021, elle se poursuivra dans les prochaines années. Splann a même pu identifier où précisément, et qui en profitera, en analysant l’ensemble des permis de construire accordés récemment par les mairies sur le littoral (à moins de 5 kilomètres du rivage).
Nous avons pu isoler les permis délivrés depuis janvier 2020 (encore valides) sur des parcelles qui n’ont pas encore été construites fin 2023. Cela représente près de 7 000 permis, dont les constructions pourront recouvrir jusqu’à 197 hectares sur l’ensemble du littoral de la Bretagne à cinq départements. L’agriculture en prend une part non négligeable : pas moins de 43 hectares de nouveaux locaux, soit un cinquième de la surface totale des bâtiments à construire. L’essentiel des projets (90 % en surface) reste toutefois situé à plus de 1 kilomètre du rivage.w
Le Finistère, épicentre des constructions agricoles
L’épicentre est situé sur le littoral du nord du Finistère, où les bâtiments agricoles représentent plus de la moitié (60,5 %) de la surface de locaux professionnels autorisés à la construction ces quatre dernières années. (...)
À l’origine de ce régime d’exception : le lobbying conjugué des élus locaux et des organisations agricoles. (...)
Une campagne suivie d’effets puisque pas moins de huit amendements ont été déposés à l’Assemblée dans des termes similaires. Et si son inscription dans la loi n’a pas été obtenue, l’exception du bâti agricole a été formalisée par un décret du 27 novembre 2023 (...)
Cette exception ne choque pas Laurence Fortin, vice-présidente territoires, économie et habitat à la région Bretagne, qui invoque des enjeux de « souveraineté alimentaire » dépassant largement les frontières de la commune. L’élue plaide pour une application différenciée du ZAN (...)
Si le ZAN survit au gouvernement actuel, il restera à aligner l’ensemble des documents d’urbanisme (Scots, puis PLUi) sur les objectifs chiffrés par la région. L’opération pourrait s’étaler jusqu’en 2028… En attendant, sur le terrain, chaque collectivité peut continuer d’appliquer les règles du monde d’avant.
