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Dans la famille du grand n’importe quoi, on voudrait le gouvernement Bayrou s’il vous plaît ! L’expérimentation de vidéosurveillance algorithmique (VSA) prévue par la loi sur les Jeux Olympiques était censée se terminer dans moins de deux mois. Pourtant, le gouvernement a déposé hier un amendement pour tout simplement prolonger l’expérimentation… jusqu’à la fin de l’année 2027. Le tout en s’affranchissant totalement des promesses faites ou des règles constitutionnelles.
Aussi, la loi avait prévu de façon inédite la création d’un comité chargé d’évaluer la mise en œuvre de la VSA. Ses conclusions étaient présentées comme essentielles pour juger de l’utilité de cette technologie du point de vue policier, et décider ensuite d’une éventuelle pérennisation. Depuis le début, nous avons affiché notre plus grand scepticisme face à ce mécanisme d’évaluation, dont on anticipait qu’il serait instrumentalisé par le gouvernement. Surtout, l’approche consistant à se focaliser sur l’efficacité de la VSA éludait l’ensemble des dangers inhérents à cette technologie. Il n’empêche que ce comité avait le mérité d’exister. Lors des débats parlementaires, il a d’ailleurs été brandi à de multiples reprises par le gouvernement et la majorité d’alors comme la preuve de leur bonne foi et de leur respect des libertés publiques. (...)
Quoiqu’il en soit, le gouvernement veut continuer à utiliser cette technologie. Profitant du énième retour de la loi relative à la sûreté dans les transports à l’Assemblée (dont la discussion avait d’abord été interrompue par la dissolution puis par la chute du gouvernement Barnier, et dont l’initiateur, Philippe Tabarot, est depuis devenu ministre), il a fait un coup de force. Ainsi, il a déposé un hier un amendement demandant l’extension du dispositif de VSA pendant encore trois années, au prétexte que les services n’auraient pas eu assez de temps pour tester la technologie. Reformulons les choses : il a joué et il a perdu. Mais il s’en fiche, comme nous l’anticipions, le caractère « expérimental » et tout le dispositif d’évaluation n’ont été qu’un alibi commode permettant au gouvernement de faire passer la pilule. Que la VSA « marche » ou pas est au fond accessoire. Pour le gouvernement, il s’agit de l’imposer coûte que coûte.
Sur le plan juridique, la régularité de cet amendement est parfaitement douteuse : d’une part, il pourrait ne pas être recevable puisqu’il s’agit d’un cavalier législatif, qui déborde largement l’objet de la proposition de loi. D’autre part, s’il venait à être adopté, il rentrerait en contradiction avec les règles fixées par le Conseil constitutionnel en 2023. (...)
Or, si l’évaluation a bien été produite, le gouvernement s’en moque complètement. Il tente de forcer la main au Parlement qui n’aura même pas le temps de se faire sa propre idée. Outre le projet politique funeste associé à la VSA, c’est là le plus parlant dans cette affaire : l’absence totale de considération pour la légalité ou le respect des engagements fait à la représentation parlementaire. Rien d’étonnant s’agissant d’un ministre de l’intérieur qui affiche clairement son mépris pour l’État de droit.
Cet amendement est tout bonnement un scandale. La VSA ne doit pas être prolongée. Elle doit être interdite. Produit d’une industrie de la sécurité avide de profit, cette surveillance de nos corps et nos comportements est le vecteur technologique d’une amplification des discriminations policières. Elle contribue à parfaire un édifice de la surveillance qui transforme l’espace public en un espace de contrôle social permanent, qui trie les « bons citoyens » et les « suspects ». (...)
Nous appelons tous les parlementaires à voter contre cette mesure et nous invitons toutes les personnes intéressées à se mobiliser dans leur ville ou après de leur député·e, pour faire valoir leur refus radical de ces technologies. (...) (...) (...) (...) (...)