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Mediapart
Urgences, choléra : Mayotte est toujours plus une zone d’exception
#Mayotte #choloera #epidemies
Article mis en ligne le 15 juillet 2024
dernière modification le 13 juillet 2024

Petite éclaircie à Mayotte, encore précaire : le nombre de cas de choléra baisse enfin. Mais l’accès à l’eau potable, la clé pour juguler l’épidémie, est toujours très difficile. Tout comme l’accès aux soins, largement entravé.

Parmi les multiples fléaux qui s’abattent sur Mayotte, il y a une petite éclaircie sur le front sanitaire. Depuis deux semaines, le nombre de cas de choléra dépistés diminue très sensiblement (...)

Mais le directeur général ne « crie pas victoire : le Haut Conseil de la santé publique nous a prévenus qu’il y a toujours des pics et des creux dans les épidémies de choléra ». D’autant que l’épidémie de choléra dans les îles voisines des Comores reste « très active », explique Santé publique France, avec plus de 10 000 cas notifiés. À Mayotte, 10 % des cas détectés ont été importés des Comores, mais les 90 % restants sont contractés sur l’île, preuve que les conditions de vie font le lit de l’épidémie.

En 1998, le choléra avait déjà circulé sur l’île française, mais dans une bien moindre mesure : 10 cas seulement avaient été dépistés. En 2024, alors que l’épidémie court toujours, les cas sont déjà 20 fois plus nombreux. Aujourd’hui, un quart des 300 000 habitant·es de l’île, qui vivent dans des bidonvilles, les bangas, n’ont pas accès à l’eau courante. (...)

Or l’accès à l’eau est la clé, cruciale, pour lutter contre cette maladie diarrhéique, rappelle Anthony Bulteau, coordonnateur à Mayotte de l’ONG Solidarités International, spécialisée dans la gestion de l’eau dans les situations de crise. (...)

si les réserves d’eau de l’île ont été rechargées durant la saison des pluies, les coupures d’eau persistent, un jour sur trois, car la production d’eau reste inférieure à la demande, faute d’infrastructures suffisantes.

Une épidémie qui menace tous les habitants

L’accès aux soins est aussi entravé sur l’île : il n’y a pas d’aide médicale d’État (AME) pour les étrangers et étrangères en situation irrégulière. Si les soins restent gratuits pour les enfants, les adultes doivent payer 10 euros pour une consultation d’un médecin généraliste et des médicaments, 20 euros pour un spécialiste, 30 euros pour l’accès aux urgences. Et la police aux frontières patrouille autour des urgences ou du dispensaire. Seulement, quand une épidémie circule, elle finit par toucher tous et toutes : un réanimateur de l’hôpital assure qu’une enfant a été contaminée par sa nounou, qui vit dans un banga. (...)

Ces malades doivent donc être pris en charge dans les plus brefs délais par les services d’urgences. Or ceux-ci sont « dans le rouge », reconnaît sans difficultés Sergio Albarello, directeur général de l’ARS. (...)

Un urgentiste explique en détail les difficultés : « Sur 40 postes, il n’y en a que dix pourvus. Chaque jour, un seul médecin urgentiste gère à la fois l’accueil et le déchocage », soit la prise en charge des urgences vitales. « Et un seul médecin, généraliste, surveille les patients hospitalisés aux urgences. La semaine dernière, il n’y en avait aucun. Les malades étaient sans surveillance médicale. » Et il n’y a plus de médecins, depuis des semaines, dans les véhicules ou l’hélicoptère du Samu qui partent, parfois pendant des heures, pour une urgence vitale. Des infirmiers formés à l’urgence les remplacent.. (...)

Les médecins soupçonnent que l’hôpital veuille les remplacer, à court terme, par des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).

Car depuis le 3 juillet dernier, Mayotte bénéfice de la même dérogation que les autres départements d’outre-mer. Les Padhue peuvent y exercer, de plein droit, sans avoir à passer l’épreuve de vérification des connaissances (EVC), un examen couperet en métropole : en cas d’échec répété, les Padhue ne peuvent plus travailler en France.

Le directeur Sergio Albarello assure que les compétences de ces médecins – « leurs parcours et diplômes » – seront sérieusement contrôlés « par l’administration de l’hôpital, le conseil de l’ordre des médecins et l’ARS ». (...)

Enfin, « des limites seront posées au nombre de médecins à diplôme étranger dans les équipes : jusqu’à 40 % maximum ». Mais il confirme que les recrutements devraient intervenir très rapidement, « dans l’été ».

Mayotte veut attirer les médecins étrangers, mais, dans le même temps, ses élu·es réclament unanimement l’application du projet de loi de Mayotte du gouvernement Attal, qui prévoit notamment la fin du droit du sol pour les étrangers et les étrangères de l’île, y compris des enfants scolarisés, privés de toute perspective. Aux élections législatives, l’île a élu, pour la première fois, une députée Rassemblement national (RN).