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Mediapart
Un rapport de l’ONU accuse Israël et le Hamas de crimes de guerre
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #ONU
Article mis en ligne le 15 juin 2024
dernière modification le 14 juin 2024

Une commission d’enquêteurs indépendants des Nations unies accuse Israël et le Hamas de crimes de guerre. Elle accuse encore les autorités israéliennes de crimes contre l’humanité, notion qu’elle ne retient pas contre le mouvement islamiste palestinien.

Les autorités israéliennes sont responsables de « crimes de guerre et de crimes contre l’humanité » à Gaza depuis le 7 octobre 2023, notamment pour « extermination ». Quant au Hamas et à six autres groupes armés palestiniens, ils sont responsables de « crimes de guerre ». Telles sont les conclusions de la commission d’enquête internationale de l’organisation des Nations unies (ONU), rendues publiques mercredi 12 juin, sur les violations présumées des droits humains et du droit humanitaire en Palestine et en Israël. (...)

Dirigée par des commissaires indépendants sous la houlette de la Sud-Africaine Navi Pillay (qui fut présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda et juge à la Cour pénale internationale), la commission documente les crimes commis par chacune des parties, tant par l’armée israélienne que par les groupes armés palestiniens, puis énumère une série de recommandations aux États ainsi résumées : « Cessez-le-feu, aide humanitaire sans entrave, libération des otages et coopération de tous les belligérants avec les juridictions internationales, notamment avec la CPI. » (...)

La commission onusienne ne date pas du 7 octobre 2023. Elle a été créée le 27 mai 2021 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, en urgence, à la suite d’une énième guerre, alors la plus importante depuis sept ans, entre Israël et le Hamas. Celle-ci avait duré onze jours, après avoir été déclenchée par des violences sur l’esplanade des Mosquées, dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam, et ailleurs dans la ville de Jérusalem-Est occupée et annexée par Israël.

Trois ans plus tard, la commission rend un rapport dont la majeure partie est consacrée aux événements survenus depuis le 7 octobre 2023. Découpé en deux volets, l’un consacré aux exactions perpétrées par le Hamas et autres groupes armés palestiniens, l’autre à celles commises par le gouvernement israélien, il s’agit de la première grande enquête approfondie de l’ONU sur les massacres de ces huit derniers mois. La commission Pillay présentera ses conclusions mercredi 19 juin, lors de la 56e session du Conseil des droits de l’homme à Genève (Suisse).

Des investigations entravées

L’enquête accablante, de plus de deux cents pages, corrobore les accusations portées par le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, qui lundi 20 mai a requis des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ministre de la défense, Yoav Gallant, ainsi que contre trois responsables du Hamas (Ismaël Haniyeh, chef du bureau politique, Mohammed Deïf, commandant des brigades Al-Qassam, et Yahya Sinouar, chef du Hamas dans la bande de Gaza). (...)

« À Gaza, la capacité de la commission à entrer en contact avec les victimes et les témoins a été limitée, en raison de la poursuite des combats sur le terrain et de l’interruption majeure des communications, note le rapport. En Israël, les responsables israéliens ont à plusieurs reprises annoncé publiquement le refus d’Israël de coopérer. Les responsables israéliens auraient interdit aux professionnels de la santé et à d’autres personnes d’entrer en contact avec la commission après que celle-ci [avait] contacté des professionnels de la santé en Israël en décembre 2023. »

(...)

La commission replace également le 7 octobre et l’opération militaire israélienne qui a suivi à Gaza dans leur contexte : « Ces événements ont été précédés par des décennies de violence, d’occupation illégale et de déni par Israël du droit des Palestiniens à l’autodétermination, qui se manifestent par des déplacements forcés continus, la dépossession, l’exploitation des ressources naturelles, le blocus, la construction et l’expansion des colonies, ainsi que la discrimination et l’oppression systématiques du peuple palestinien. »

Pour les enquêteurs de l’ONU, Israël est responsable de « crimes contre l’humanité d’extermination, de meurtre, de persécution fondée sur le genre ciblant les hommes et les garçons palestiniens, de transfert forcé, d’actes de torture et de traitements inhumains et cruels ». Il est aussi responsable de crimes de guerre, notamment « par la famine comme méthode de guerre, le meurtre ou l’homicide volontaire, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des civils et des biens de caractère civil, le transfert forcé, la violence sexuelle, la torture et les traitements inhumains ou cruels, la détention arbitraire et l’atteinte à la dignité de la personne ».

Les enquêteurs onusiens détaillent précisément comment les actions d’Israël servent non pas les objectifs militaires annoncés (la destruction du Hamas, la libération des otages israéliens et la prévention des menaces futures contre l’État d’Israël) mais « d’autres motivations, notamment la vengeance et le châtiment collectif » qui créent « des destructions massives », des transferts forcés de population et emportent la vie d’« un nombre considérable de civils », des femmes et des enfants principalement.

Des « formes spécifiques de violence sexuelle »

Ils rappellent les nombreuses déclarations de responsables israéliens pouvant constituer d’autres crimes internationaux graves, « déshumanisant systématiquement » les Palestiniens, en particulier les hommes et les garçons. (...)

Concernant la Cisjordanie, la Commission assure que des crimes, dont des actes de torture, des traitements inhumains et des violences sexuelles, ont été commis par des colons israéliens, « dans le cadre d’une campagne de violence encouragée par le gouvernement et les forces israéliennes ». (...)

« La fréquence, la prévalence et la gravité des crimes sexuels et à caractère sexiste perpétrés contre les Palestiniens depuis le 7 octobre dans l’ensemble des territoires occupés » indiquent, selon la commission, que les violences sexuelles et sexistes sont une des armes de l’armée israélienne. (...)

Les crimes de guerre du Hamas

Sur plusieurs dizaines de pages, la commission revient sur le 7 octobre et accuse les groupes armés palestiniens d’avoir commis divers crimes de guerre, notamment des attaques contre des civils, des meurtres et des tortures. Elle ne retient pas la notion de crimes contre l’humanité. L’ONU estime que ceux-ci peuvent viser toute population civile, mais dans le cadre d’attaques à grande échelle, contrairement aux crimes de guerre qui peuvent être des faits isolés.

Les enquêteurs de l’ONU reviennent sur les multiples attaques dans au moins vingt-quatre localités. « Sur ces sites, les militants se sont systématiquement déplacés de maison en maison, mettant le feu aux habitations, tirant sur des abris privés et publics, et faisant sortir les gens de leurs cachettes, tuant, blessant et enlevant des civils pour les emmener à Gaza », écrit la commission, qui a enquêté notamment sur six attaques distinctes à Be’eri et huit attaques à Nir Oz, chacune impliquant de multiples victimes, pour la plupart issues des mêmes familles.

Comme pour le volet israélien, la commission s’attarde longuement sur les violences fondées sur le sexe – et que le Hamas nie – dans plusieurs endroits du sud d’Israël le 7 octobre, qui ont ciblé en particulier les femmes israéliennes (...)

« Il ne s’agissait pas d’incidents isolés, mais d’actes similaires perpétrés en plusieurs endroits et par de multiples auteurs palestiniens », précise le rapport.

La commission explique avoir recueilli et conservé « des preuves numériques », des « récits de témoins fiables décrivant des corps déshabillés et, dans certains cas, des organes génitaux exposés », constaté « l’immobilisation de femmes, y compris les mains et parfois les pieds liés, souvent dans le dos des victimes, avant leur enlèvement ou leur assassinat », procédé à des évaluations basées sur la position du corps (...)

La commission dit avoir examiné les témoignages de viols obtenus par des journalistes et la police israélienne, mais ne pas avoir été en mesure de vérifier ces allégations de manière indépendante, « en raison du manque d’accès aux victimes, aux témoins et aux sites des crimes, et de l’obstruction des autorités israéliennes à ses enquêtes ».