
L’historien Jean-Pierre Chrétien, directeur de recherche émérite, après une carrière universitaire d’enseignant-chercheur, est un spécialiste de l’Afrique orientale, en particulier la région des Grands Lacs. Il revient, dans les lignes qui suivent, sur les différentes stratégies de négation du génocide rwandais.
En mémoire de Jean-Népomucène Nkurikiyimfura, historien rwandais, mon ancien étudiant et collègue, et à sa femme et à ses enfants, assassinés chez eux, à Butare, en 1994 pour le seul fait d’être nés tutsi.
Le « négationnisme » désigne depuis la fin des années 1980 les dénégations de la réalité de la Shoah qui se présentaient sous le jour apparemment scientifique d’un « révisionnisme ». Ce type de manipulation est consubstantiel à tous les génocides, un travail simultané de négation et de justification. Relisons Les Assassins de la mémoire du regretté Pierre Vidal-Naquet : le négationnisme ne consiste pas à nier qu’il y ait eu des morts dans une crise majeure, mais d’abord à relativiser ou minimiser leur nombre et à diluer la perpétration de ce crime de masse dans un jeu de circonstances successives et aléatoires, et même à en attribuer la responsabilité aux victimes elles-mêmes ainsi qu’aux rescapés, coupables, selon une vision téléologique de l’histoire, d’avoir échappé à la mort pour mieux profiter des tueries qu’ils auraient eux-mêmes déclenchées (sur le thème, par exemple, de la responsabilité conjointe des Juifs et des Britanniques dans l’éclatement de la Seconde guerre mondiale et dans la disqualification calculée du nazisme engendré par le sionisme !).