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Mediapart
Un ex-directeur de Stanislas condamné pour violences : « Cela fait partie du règlement de regarder les élèves en sous-vêtements ? »
#ecolepublique #ecoleprivee #Stanislas
Article mis en ligne le 14 septembre 2024
dernière modification le 10 septembre 2024

Un ancien directeur d’internat du lycée catholique parisien a été condamné à un an de prison avec sursis lundi pour violences volontaires après la plainte de six anciens élèves. Propos homophobes, insultes et coups sur les élèves. Pour le prévenu, « c’était simplement le règlement de l’établissement ».

Est-ce bien le procès de l’ancien directeur d’internat du grand lycée Stanislas ? S’agit-il vraiment de l’une des multiples affaires visant cet établissement catholique sous le feu des critiques depuis les révélations de Mediapart ? Lors des premières minutes de l’audience tenue ce lundi, un doute plane.

La salle est presque vide, aucun avocat ne représente les parties civiles, aucun membre de la direction de Stanislas n’est venu soutenir ses anciens élèves et le procès se tient non pas à Paris mais à Valenciennes. L’affaire a été délocalisée dans le Nord, lieu de résidence du mis en cause. (...)

Six anciens élèves de classe préparatoire de Stanislas, qui avaient entre 17 et 18 ans à l’époque, l’accusent d’avoir exercé des violences psychologiques et physiques lorsqu’il était en poste entre 2013 et 2018. Quatre des plaignants sont présents mais n’ont pas d’avocat. Ils ont bataillé seuls, ont affronté de nombreux obstacles avant que la direction de l’établissement et le diocèse ne signalent les faits à la justice. Ils n’ont pas pensé à être représentés.
Des coups et des insultes

À l’époque, Olivier P. est responsable du foyer Ozanam, l’internat de Stanislas. Il a sous sa responsabilité quatre cents élèves de 16 à 19 ans, et officie comme professeur de musique pour les jeunes de 13 et 14 ans. Au sein de l’établissement privé sous contrat, il dispose d’un appartement de fonction, est aussi admiré que craint et fait comprendre à tous les élèves « à quel point il est tout-puissant ». « À votre sujet, plusieurs anciens élèves parlent de relations inquiétantes, d’emprise, de brimades, de gestes déplacés à caractère sexuel, de violences physiques et morales », égrène la présidente Laurence Gosteau.

Les témoignages recueillis par les enquêteurs sont édifiants. (...)

Avec certains d’entre eux, « ses élus » ou « ses chouchous », il pouvait se montrer beaucoup plus gentil mais aussi « plus tactile » ou « plus voyeuriste ». Il les « invitait dans son appartement à boire du whisky » ou les attendait « à la sortie de leur douche ». « Je conteste tous les faits », commence Olivier P., dénonçant une cabale et oubliant qu’il en avait reconnu un certain nombre en garde à vue. (...)

Sans remords ni regrets, Olivier P. agace le tribunal. « Vous trouvez ça normal ? », tente la magistrate. « C’était simplement le règlement de l’établissement », martèle-t-il. « Et les claques sur la tête ? », creuse-t-elle alors. « Ça a pu arriver qu’il y ait de petites tapes », admet-il : « Que je sois quelqu’un d’un peu rigide, j’en conviens parfaitement, mais ce n’était jamais de la violence gratuite. » Et ce coup de cravache donné à Antoine, 17 ans à l’époque ? « C’était une forme de plaisanterie », balaye-t-il encore. Le tribunal s’arrête un instant dessus et insiste sur la « connotation sexuelle » d’un tel geste.

Mis en examen pour viol sur mineur (...)

Olivier P. n’a d’ailleurs pas été écarté de Stanislas pour les violences qu’il infligeait aux élèves mais parce que la direction de l’établissement avait découvert qu’il passait son temps, dans son bureau, sur des sites pornographiques. (...)

Devant le tribunal, les plaignants reviennent ensuite sur plusieurs moments qui les interrogent aujourd’hui. « Lorsque je m’étais coupé le bas du pied, Olivier P. a passé un bandage et ses mains sont allées au-dessus, jusqu’à mon mollet, pour me masser », témoigne Jérôme* à la barre. « Il m’a fait des avances, m’a donné son numéro de téléphone, m’a proposé une bière et quand j’ai refusé, ma vie a été impossible. Son but, c’était que je parte de Stanislas car je refusais de rentrer dans son jeu. »

Tour à tour, les quatre anciens élèves expliquent les conséquences de ces agissements. Ceux d’Olivier P., qui ont laissé de terribles traces et « beaucoup de culpabilité ». (...)

L’institution Stanislas en question

Lors des réquisitions, la procureure de la République a demandé six mois de prison avec deux ans de sursis probatoire et dénoncé le « stratagème pervers » mis en place par cet ancien professeur. « Les plaignants auraient pu venir avec des armées d’avocats, demander des préjudices beaucoup plus importants pour ce dossier médiatique, mais non. Cela montre bien que ce n’est pas une cabale », a-t-elle balayé.

Les plaignants ont en effet demandé quelques centaines d’euros pour le préjudice moral et ont surtout insisté pour qu’il ne puisse plus faire « de nouvelles victimes ». Jérôme, lui, a simplement demandé qu’Olivier P. lui rembourse tous ses frais de scolarité.

Mise en cause lorsqu’elle était devenue ministre de l’éducation pour avoir scolarisé ses trois enfants dans l’établissement, Amélie Oudéa-Castéra avait brossé le portrait d’un endroit idyllique. (...)

Au fil de l’audience pourtant, les réponses des plaignants comme du prévenu dessinent une autre réalité. Celle d’un univers humiliant, homophobe et autoritaire, documenté par Mediapart en 2022. (...)

Si la présidente a rappelé que les comportements d’Olivier P. avaient été signalés à la justice par le directeur de l’établissement de l’époque Frédéric Gautier, le rôle de toute la direction interroge.

Comme le révélait Mediapart, le directeur de l’établissement a tout fait pour ne pas ébruiter les faits, refusant de lancer un appel à témoignages pour tenter d’identifier d’autres victimes et se montrant même menaçant à l’égard des plaignants. Il ne les a pris au sérieux qu’après la publication d’une première enquête du Monde.

Et que dire de la passivité de Stanislas ? « Le corps pédagogique et religieux ont exprimé un silence coupable », dira une victime aux enquêteurs. (...)

Après trois heures d’audience, Olivier P. est condamné à un an de prison avec sursis et à une interdiction d’exercer une activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs pendant cinq ans.

Juste avant cette délibération, la présidente l’invitait à la barre prendre la parole une dernière fois. Pour s’excuser ou pour se taire. Non, Olivier P. a préféré s’enfoncer : « Quand je regarde ces quatre jeunes et leurs tenues aujourd’hui, je me dis que leur ferais les mêmes remarques que celles que je leur faisais à Stan. »