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Mediapart
Ultrariches épargnés, austérité dans la santé : le budget Lecornu déçoit d’emblée
#Macron #Lecornu #budget #inegalites
Article mis en ligne le 16 octobre 2025

Pour ce qui concerne l’assurance-maladie et les missions non régaliennes de l’État, le projet de budget Lecornu pour 2026 est aussi austère que celui proposé en juillet par François Bayrou. Pis, il épargne considérablement les ultrariches et les grandes entreprises.

Un projet de budget pour l’année 2026 a finalement été présenté ce mardi 14 octobre en conseil des ministres, quelques minutes avant le discours de politique générale du premier ministre Sébastien Lecornu. En promettant au Parti socialiste (PS) la suspension de la mise en œuvre de la réforme des retraites d’ici à 2028, il semble s’être assuré de ne pas être censuré jeudi, moment où les motions du Rassemblement national (RN) et de La France insoumise (LFI) seront étudiées.

En cas de rejet, le projet de loi de finances pour 2026 sera donc étudié à partir de dimanche soir ou de lundi matin par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la copie du budget – portée par Roland Lescure, ministre démissionnaire et renommé à Bercy – est des plus rudes pour les services publics et le modèle social, en plus d’être excessivement clémente vis-à-vis des ultrariches et des très grandes entreprises. (...)

e budget Lecornu propose en effet de réduire le déficit public de 5,4 % du PIB en 2025 à 4,7 % en 2026. Soit quasiment le même niveau d’effort – déduction faite des deux jours fériés supprimés dont il n’est plus question – que ce qui était espéré par la proposition de budget de François Bayrou à la mi-juillet 2025, et que beaucoup qualifiaient d’austéritaire.

En milliards d’euros, la cure de rigueur proposée par Sébastien Lecornu est d’un peu plus de 30 milliards d’euros pour 2026, selon l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Une cure de rigueur qui va se répartir de la sorte : 17 milliards d’euros de baisses de dépenses et près de 14 milliards d’euros de hausses de recettes.

Côté dépenses de l’État, seuls trois postes seront clairement en hausse par rapport à 2025 : les dépenses militaires (+ 6,7 milliards d’euros), le prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne (+ 5,7 milliards d’euros) et les intérêts payés sur la dette (+ 8,1 milliards d’euros).
Coupes dans le non-régalien

Pour le reste, c’est une période de vaches maigres, surtout pour les ministères non régaliens. Citons la mission travail et emploi, qui sera rabotée de 2,5 milliards d’euros en 2026 par rapport à 2025, selon le dossier de presse fourni par Bercy, notamment du fait d’un « meilleur ciblage des dispositifs d’insertion ».

Mais aussi la mission cohésion des territoires, qui intègre le logement et la politique de la ville, qui va être réduite de 900 millions d’euros ; ou le budget alloué la mission solidarité, insertion et égalité des chances, qui perdrait à ce stade 800 millions d’euros en 2026 par rapport à 2025.

Concernant de plus petites missions budgétaires, on peut aussi citer le nouveau coup de rabot dans l’aide au développement (− 700 millions), les sports et la jeunesse (− 300 millions) ou la culture (− 200 millions). Enfin, selon l’avis du HCFP, il y a aussi un « recentrage des aides MaPrimeRénov’ » et plus globalement une « restriction des soutiens à la planification écologique hors agriculture ».

En outre, des économies substantielles seront faites en 2026 grâce à la fameuse « année blanche » qui va être proposée pour les salaires publics et les revalorisations de prestations sociales. Soit une économie de 3,6 milliards d’euros. (...)

Ultrariches et grands groupes mieux servis qu’en 2025

Côté recettes fiscales, Bercy claironne que « l’effort en 2026 reposerait avant tout sur un effort supplémentaire des contribuables disposant des moyens les plus importants ». Mais cela est complètement faux. Autant le dire tout de suite : les grandes entreprises et les ultrariches vont très bien s’en sortir en 2026. Ensemble, ils vont même voir leur charge fiscale baisser par rapport à 2025 ! (...)

Par ailleurs, côté ménages qui gagnent plus de 500 000 euros par an pour un couple, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), qui s’est appliquée en 2025 pour s’assurer qu’ils paient au moins 20 % d’impôt sur le revenu, va être prolongée à l’identique en 2026. Elle est censée rapporter 1,5 milliard d’euros l’année prochaine.

À cela s’ajoutera une menue taxe sur les sociétés holdings qui ne touchera pas les biens professionnels, comme promis par Sébastien Lecornu ces dernières semaines. Celle-ci ne rapportera qu’un petit milliard d’euros aux caisses de l’État.

C’est cette dernière taxe qui devait faire figure de compromis par rapport à la fameuse taxe Zucman, du nom de l’économiste qui la porte, d’un impôt plancher de 2 % par an sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, et qui est appelée de leurs vœux par tous les partis de gauche, y compris le Parti socialiste.

La taxe Zucman devait rapporter, rappelons-le, vingt fois plus (...)

La hausse de la charge fiscale dans ce projet de budget 2026 repose en fait sur le tissu économique classique et les ménages : il est prévu notamment une baisse des allègements de cotisations sociales (allègements généraux, exonérations de cotisations, avantages en nature) pour un montant de 5,6 milliards d’euros, selon l’avis du HCFP. Mais aussi un coup de rabot dans les niches fiscales pour 3,3 milliards d’euros, principalement grâce à la forfaitisation de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite, et à la fiscalisation des revenus des étudiant·es – ce sur quoi le gouvernement s’est d’ores et déjà engagé à revenir (voir boîte noire) – des tickets restaurants et des indemnités journalières.

Il est enfin prévu de récolter 1,3 milliard d’euros grâce à une taxe sur les petits colis et 1,5 milliard d’euros supplémentaires grâce à la lutte contre la fraude.
Prévisions bancales

Cela étant dit, tous ces efforts, si injustement répartis soient-ils, pourraient être vains pour atteindre l’objectif de 4,7 % de déficit public en 2026. En effet, estime le HCFP, le scénario économique pris en compte par le gouvernement pour élaborer son budget « repose sur des hypothèses optimistes, associant une consolidation budgétaire importante à une accélération de l’activité permise par une reprise de la demande privée ».

Comprendre : le gouvernement sous-estime l’impact de sa cure d’austérité sur la croissance en 2026. (...)

À voir si, conscient·es de ces aléas, les parlementaires s’entendront pour changer le cap austéritaire donné par le projet de budget de Sébastien Lecornu. Sachant que, rappelons-le, il a promis de ne pas avoir recours à l’article 49-3 durant l’intégralité des discussions budgétaires. Une nouveauté sous le second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Cependant, le premier ministre dispose tout de même d’une dernière arme pour passer en force : faire durer les discussions pour que le Parlement ne puisse pas adopter le budget dans la limite de temps dont il dispose : soixante-dix jours pour le projet de loi de finances, et cinquante jours pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Dans ce cas, Sébastien Lecornu pourrait passer par voie d’ordonnances et imposer une loi de finances pour 2026 qui serait… son projet de budget (...)