
Les Vingt-Sept ont fini par ouvrir des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, malgré l’opposition du premier ministre hongrois. Un geste fort pour Kyiv, mais entaché par la décision de la Commission de lâcher du lest face au virage autoritaire en Hongrie.
Le chaud et le froid pour Kyiv, soufflés le temps d’une même soirée. Le sommet européen à haut risque qui s’est conclu ce vendredi à Bruxelles a ouvert des négociations officielles en vue de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (UE), envoyant un signal de fermeté à la Russie de Poutine.
Mais les dirigeant·es des Vingt-Sept ont reporté leur décision sur une aide supplémentaire de 50 milliards d’euros, pour soutenir l’effort de guerre des Ukrainiens, en raison du blocage de la Hongrie. Un deuxième sommet, extraordinaire, va être convoqué sur le sujet en janvier.
Ce résultat mitigé pour Kyiv est une petite surprise : Viktor Orbán n’a finalement pas bloqué la perspective d’élargissement, comme il menaçait encore bruyamment de le faire jeudi en début d’après-midi. Pour sauver les apparences, le dirigeant illibéral s’est tout simplement absenté quelques minutes de la salle du Conseil, selon un scénario imaginé par le chancelier allemand Olaf Scholz. Ce qui a laissé le temps aux vingt-six autres dirigeant·es de prendre leur décision à l’unanimité. (...)
Un diplomate ironisait auprès du quotidien britannique Financial Times sur cette éclipse d’Orbán en forme de « manquement à [ses] principe[s] soigneusement chorégraphiés ». Des analystes ont forgé l’expression d’« abstention constructive » pour qualifier la tactique des Allemands pour déminer le sommet.
Refusant de reconnaître un échec, Viktor Orbán n’hésitait pas à se féliciter jeudi soir sur X du fait que « la Hongrie n’avait pas participé » à cette décision « totalement absurde, irrationnelle et incorrecte ». (...)
Gwendoline Delbos-Corfield finit par dénoncer une « très bonne opération de com’ de la Commission et du Conseil » : « Ils nous disent, oui, c’est vrai, on a fichu en l’air la démocratie européenne, mais c’est au prix d’une plus noble cause encore, l’Ukraine. Mais ils ont manqué de courage politique. »
Revoir la règle d’unanimité ?
De son côté, Valérie Hayer est moins définitive sur l’échec de l’UE face à Orbán, même si elle reconnaît que le départ d’Angela Merkel en Allemagne, ainsi que l’affaiblissement politique de Mark Rutte aux Pays-Bas, freinent en partie le volontarisme des Européens sur le sujet (...)
Le psychodrame du Conseil européen de cette semaine, en attendant celui de janvier, relance en tout cas, aux yeux de beaucoup, la nécessité d’une révision de la prise de décision au Conseil selon les règles de l’unanimité. Surtout dans la perspective d’une Europe encore élargie à trente ou plus de pays. « Quelque élargissement que ce soit supposera une réforme en profondeur de nos règles », a ainsi déclaré Emmanuel Macron ce vendredi à la sortie du sommet, bien conscient que l’UE s’engage dans l’un des chantiers les plus périlleux de son histoire.