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Turning Point USA, la machine de guerre MAGA qu’avait fondée Charlie Kirk
#USA #Trump #TurningPointUSA
Article mis en ligne le 12 septembre 2025

Tué par balles sur le campus d’une université mercredi, Charlie Kirk laisse derrière lui Turning Point USA, l’organisation qu’il a fondée en 2012 et transformée en machine de guerre idéologique pour séduire la jeunesse conservatrice américaine. Décryptage

(...) Abattu mercredi 10 septembre en pleine réunion publique sur un campus de l’Utah, ce proche allié de Donald Trump laisse orpheline la plus grosse association de jeunes conservateurs du pays.

L’histoire de cette organisation commence en 2012. Charlie Kirk, alors âgé de 18 ans, et Bill Montgomery, un entrepreneur issu du Tea Party, créent Turning Point USA, avec un objectif : combler le fossé entre une droite vieillissante et une jeunesse massivement acquise à Barack Obama. "Turning Point USA veut alors prendre le relais d’une tendance conservatrice plus large et former une nouvelle génération de militants pour contrer un État perçu comme trop interventionniste", explique Steven Ekovich, professeur émérite à l’Université américaine de Paris. (...)

Des débuts modestes à l’ère Trump

Dès ses débuts, Charlie Kirk revendique une ligne claire : attirer la jeunesse blanche conservatrice des campus, présentés comme dominés par les idées progressistes. Les premières années sont modestes, mais tout change en 2016. L’arrivée de Donald Trump bouleverse le paysage politique républicain – et propulse TPUSA sur le devant de la scène. L’organisation adopte sans réserve ses combats : anti-immigration, anti-avortement, anti-LGBTQ+.

Charlie Kirk, dont le zèle à affronter les libéraux sur les campus séduit les stratèges conservateurs, devient l’assistant personnel du fils du milliardaire, Donald Trump Jr., pendant la campagne, et attire une pluie de financements. En un an, le budget de TPUSA double pour dépasser les 8,2 millions de dollars.

Ces moyens changent la donne : l’organisation multiplie les grands-messes politiques, comme le Student Action Summit ou l’AmericaFest. Des rassemblements qui tiennent autant du meeting que du concert de rock, avec effets pyrotechniques et têtes d’affiche prestigieuses pour le public conservateur : Donald Trump, Tucker Carlson, Jair Bolsonaro… De quoi faire de TPUSA un pilier de l’écosystème Maga. (...)

Chez ses détracteurs, le mouvement suscite de vives critiques. "Pour la frange libérale des étudiants et dans certains milieux académiques de gauche, TPUSA est perçu comme l’avatar contemporain d’un mouvement extrémiste, raciste et anti-intellectuel, voire complotiste, qui traverse l’histoire américaine et qui alimente les tensions au sein de la société au point de constituer un danger pour le pluralisme et la démocratie." (...)

En juin 2025, Turning Point USA tente d’attirer aussi les femmes, organisant le plus grand rassemblement de jeunes femmes conservatrices du pays. Face à 3 000 participantes, Charlie Kirk et son épouse Erika les exhortent à privilégier le mariage et la famille plutôt que la carrière – un discours typique de la vision sociétale que défend TPUSA. L’organisation a notamment créé le site Professor Watchlist, une liste de professeurs accusés de diffuser de la "propagande gauchiste". (...)

Un activisme calibré pour les campus et les réseaux sociaux

"À l’instar des mouvements identitaires européens issus de la nouvelle droite, TPUSA a adopté différentes techniques et répertoires d’action d’agitprop ou de ‘campus activism’ largement mobilisés dans les années 1970 par la gauche américaine pour dénoncer la guerre du Vietnam : manifestations, spectacularisation et mises en scènes, ou encore des raids lancés sur les réseaux sociaux. Autant d’éléments qui ont contribué à transformer les campus en terrains de luttes idéologiques hautement polarisées et conflictuelles", pointe Julien Giry. (...)

Aujourd’hui, TPUSA revendique une présence sur plus de 3 500 campus, plus de 250 000 étudiants membres, plus de 450 employés chargés de recruter de nouveaux membres ou de former les prochains leaders conservateurs. La branche politique de l’association a également largement contribué à la campagne électorale de Donald Trump en 2024, organisant des opérations massives de porte-à-porte dans les États clés.

La stratégie de TPUSA repose aussi sur une utilisation redoutable des réseaux sociaux. Sur les campus, Charlie Kirk invitait des étudiants à débattre avec lui, devant une audience acquise à sa cause… et surtout devant ses caméras. Ces échanges, volontairement déséquilibrés, étaient ensuite découpés en séquences virales calibrées pour TikTok, X ou Instagram. (...)

la recette : provoquer, filmer, diffuser, faire réagir. (...)

Un avenir incertain

Au-delà des vidéos, TPUSA s’est mué en empire médiatique avec ses propres podcasts à succès et est très présent dans les médias conservateurs. Mais cette visibilité a ses limites, tempère Ludivine Gilli, directrice de l’Observatoire Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès : "Turning Point est surtout très présent chez Fox News ou Newsmax, mais reste peu visible en dehors. Beaucoup d’Américains n’en ont jamais entendu parler. Il ne faut donc pas surestimer son implantation dans la société américaine."

La mort du fondateur ouvre une nouvelle ère. "Je sais que l’héritage de Charlie ne s’arrête pas là. Il a donné le flambeau à des millions de jeunes", a réagi Donald Trump Jr sur X. Mais une grande partie de l’aura de TPUSA reposait sur la personnalité charismatique et clivante de son fondateur. "Sa disparition pourrait fragiliser le mouvement, un peu comme l’hypothèse d’un après-Trump pour le mouvement Maga", analyse Ludivine Gilli. "Pour que TPUSA puisse vivre, il faut que quelqu’un d’autre émerge."

Reste que l’organisation dispose de structures solides et de financements massifs. Et pourrait même tirer bénéfice de l’événement, selon Steven Ekovich : "TPUSA pourrait même se renforcer, d’une manière inquiétante, en prenant la mort de Charlie Kirk comme prétexte pour légitimer davantage de violence."