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Tribune, contre-tribune… le cas Sylvain Tesson déchire la sphère littéraire
#SylvainTesson #PrintempsdesPoetes #extremedroite
Article mis en ligne le 23 janvier 2024
dernière modification le 22 janvier 2024

La polémique autour de la nomination de l’écrivain-voyageur au titre de parrain du prochain Printemps des poètes n’en finit pas d’enfler. Certains le qualifient de “chantre de l’extrême droite”, d’autres le louent “arpenteurs d’à-pics et de poésie”. État des lieux d’un milieu divisé.

La nouvelle est tombée le 10 janvier : « Arpenteur d’altitude, de steppes, d’à-pics et de poésie, Sylvain Tesson est le parrain des 25 ans du Printemps des poètes », a annoncé la direction de l’événement poétique, dont l’édition 2024 se déroulera du 9 au 25 mars à Paris. La directrice artistique Sophie Nauleau s’en est réjouie : « L’écriture et l’effort, voilà qui donne le cap. La merveille et le risque. L’ailleurs et la grâce. » La grâce sera, en effet, le thème de cette édition. Pourtant, aux yeux de nombreux acteurs du monde de la poésie, rien de gracieux dans ce choix : sur les réseaux sociaux, l’annonce a immédiatement fait polémique. Sous les posts Instagram de l’événement, les commentaires fusent : « Rendez le printemps aux poètes.ses ! », « Non à votre chantre de l’extrême droite littéraire ». Au point qu’une tribune signée par plus de 1 200 personnalités du monde de la littérature a vu le jour dans Libération pour s’élever contre cette décision. « S’iels nous prennent la grâce, nous garderons la dignité », assènent les signataires, parmi lesquels les écrivaines Nancy Huston et Chloé Delaume, ou encore la poétesse Kiyémis. (...)

L’écrivain-voyageur a en effet correspondu avec Jean Raspail (1925-2020), l’auteur du Camp des saints (1973), roman apocalyptique devenu une référence pour l’extrême droite et les tenants de la théorie du « grand remplacement ». Contrairement à ce qui est écrit dans la tribune parue dans Libération, Sylvain Tesson n’a pas préfacé la réédition de ce roman en 2011 mais, quatre ans plus tard, un recueil d’œuvres de voyage de Jean Raspail, Là-bas, au loin, si loin…, paru dans la collection Bouquins. (...)

Sylvain Tesson est-il une « icône réactionnaire », comme le mentionne la tribune ? « Il y a certes une pente réactionnaire, on imagine bien que ce n’est pas un auteur de gauche, commente Vincent Berthelier, chercheur et auteur du livre Le Style réactionnaire (éd. Amsterdam). Mais lui-même n’a pas pris parti pour telle cause ou organisation politique. » Pour la poétesse Sara Mychkine, signataire de la tribune, « Sylvain Tesson a eu l’intelligence – ou la lâcheté – de ne pas avancer son positionnement politique frontalement dans son œuvre. Mais l’homme, nommé au même titre que l’artiste, partage bien des affinités avec l’extrême droite. »

Si Sylvain Tesson et le Printemps des poètes sont restés silencieux (1), des voix officielles se sont levées pour plaider la cause de l’écrivain, à l’image de Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture, ou de Bruno Le Maire. Sans apporter un soutien aussi direct à l’écrivain, l’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, s’est interrogée dans un tweet, sous forme de QCM, si « s’en prendre à un écrivain qui parraine un festival » était bien la meilleure manière « pour lutter contre l’extrême droite ». La réponse étant contenue dans la question. De leurs côtés, les hebdomadaires Valeurs actuelles et Le JDD ont aussi réagi de façon virulente. Relayée par Le Point, une contre-tribune de soutien à Sylvain Tesson circule actuellement. (...)

Qu’espèrent les signataires de la tribune ? Le renoncement de Sophie Nauleau et du conseil d’administration à nommer Sylvain Tesson comme parrain de l’événement, bien sûr. Mais leurs attentes vont au-delà : « Le milieu littéraire et éditorial a besoin d’être dépoussiéré par de nouvelles visions, de nouveaux talents, affirme Morgane Ortin, poétesse et créatrice du compte Instagram Amours solitaires. La poésie est politique. Aujourd’hui, de nombreux poètes réveillent la scène littéraire et il y a un véritable enjeu à mettre sur le devant de la scène la nouvelle vague poétique plus inclusive qui se développe dans les maisons d’édition, les librairies, sur les réseaux. Proposer quelque chose de nouveau, y compris dans des institutions telles que le Printemps des poètes. » (...)

Lire aussi :

 (Vincent Breton)
Dispute de poètes

Pour préparer le printemps, ça commence par une dispute. Une dispute de poètes ! Une palanquée de femmes et d’hommes de lettres reprochent au Printemps des poètes de s’être donné pour parrain le médiatique écrivain Sylvain Tesson. Toute la presse en parle aujourd’hui. Je ne sais pas si la poésie va y gagner…

Le printemps des poètes

Né en 99, à l’initiative de l’immortel Jack, le printemps des poètes a surtout été marqué par Jean Pierre Siméon qui avait su lui donner un véritable souffle. Lors du printemps des poètes, je me souviens, nous nous amusions bien par exemple avec des « Brigades Poétiques » qui surgissaient déclamer de la poésie dans les classes… quelle douce violence ! (...)

Banaliser ou victimiser ?

Voilà qu’une pétition a surgi hurlant au scandale. Entendons-nous, je n’ai guère d’affinités pour le personnage très médiatique et j’ai oublié ce que j’ai lu de lui. La désignation d’un parrain quelque soit l’association, la cause… prête toujours à discussion. Il ne s’agit pas de désigner le meilleur des poètes de l’année mais une personne en capacité d’enthousiasmer, notamment la jeunesse. Une personne libre, qui soit capable d’enrôler joyeusement les unes et les autres, de faire lire et écrire de la poésie… car c’est de cela qu’il s’agit.

Le fonctionnement du printemps des poètes me reste opaque. C’est surtout « le terrain » à mon humble avis qui fait vivre ou pas l’événement… Il n’est pas prévu d’élection pour désigner le parrain… et qui dans ce cas voterait ?

Oui, un certain nombre d’intellectuels qui bénéficient de l’audience médiatique, peuvent céder à la mode du ressentiment ou à la nostalgie recuite… mais sauf à nous trouver des écrits ou des positions ne respectant pas la Loi, j’aurais tendance à juger « le parrain » sur ses actes et son engagement…

Ce que je crains, c’est que la pétition ne donne en réalité qu’un bon prétexte aux politiques de droite et d’extrême droite pour venir hurler contre ces « intolérants de gauchistes » en victimisant un auteur qui n’en méritait peut-être pas tant. (...)