
Le 15 mai, le chef de la mission du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Syrie, Gonzalo Vargas Llosa a annoncé que le nombre de Syriens rentrés dans leur pays avait atteint les 500 000 personnes, depuis la chute du régime de Bachar al-Assad, le 8 décembre dernier. Mais l’agence onusienne exprime aussi son inquiétude vis-à-vis de la situation économique du pays, exsangue après plus de dix ans de guerre.
(...) Près de 600 000 personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie sont également rentrées chez elles, depuis décembre. "Cependant, 7,4 millions de Syriens sont toujours déracinés à l’intérieur du pays et il y a plus de 6 millions de réfugiés syriens dans le monde", précise le HCR.
L’agence onusienne exprime aussi son inquiétude de voir ces personnes rentrer dans un pays où tout est à reconstruire. En premier lieu, les habitations des personnes, alors que dans certaines villes, la plupart des bâtiments sont inhabitables. Les systèmes de canalisations doivent également être remis en état. (...)
"La vie est vraiment pénible - les produits de première nécessité manquent. Le système d’égouts est bloqué et je ne peux même pas gérer les choses les plus simples. Je n’ai pas d’argent pour réparer quoi que ce soit. Mon mari veut travailler pour que nous puissions reconstruire notre maison petit à petit."
Une situation économique catastrophique
Le retour des Syriens en exil est d’autant plus un défi que la situation économique de la Syrie est catastrophique, après 14 ans de crise et de bombardements. "Les grandes villes syriennes comme Raqqa, Alep et Homs ont été largement détruites par l’utilisation massive et intense d’armes explosives. La ville de Raqqa a été rasée à 80 % en 2017", selon Handicap International.
L’ONG alertait déjà en 2022 que le niveau de contamination du territoire syrien par les substances explosives était "sans précédent dans toute l’histoire du déminage". "La présence d’engins non explosés (UXO), c’est-à-dire des bombes, roquettes et mortiers qui n’ont pas explosé à l’impact pour cause de dysfonctionnement, et d’autres engins explosifs sciemment posés, tels que des mines antipersonnel et des pièges explosifs, est si intense qu’il faudra plusieurs générations pour rendre la Syrie sûre", alertait l’organisation.
Pour aider à la réinstallation des Syriens déplacés, le HCR procure "des programmes à petite échelle pour réparer des parties de maisons endommagées" ainsi que de petites "allocations en espèces aux rapatriés pour couvrir leurs besoins de base au cours des premiers mois de leur retour", a indiqué Gonzalo Vargas Llosa à l’agence de presse officielle syrienne Sana.
L’agence leur fournit aussi "un soutien juridique pour l’obtention de documents officiels". Un élément essentiel pour attester de leur nationalité syrienne et accéder à des services essentiels.
Levée des sanctions internationales
Mais le HCR s’inquiète d’un manque de fonds criant alors que son budget a été très fortement affecté par le retour de Donald Trump à la présidence américaine. Ce dernier a signé dès son arrivée au pouvoir le 20 janvier un décret ordonnant un gel de l’aide étrangère américaine pour 90 jours. Depuis, le gouvernement Trump a entrepris le quasi-démantèlement de l’agence américaine du développement USAID, qui disposait d’un budget annuel de 42,8 milliards de dollars et représentait à elle seule 42 % de l’aide humanitaire déboursée dans le monde. Le financement américain représentait ainsi environ 40 % du budget du HCR.
Le budget global pour la reconstruction de la Syrie est évalué à plusieurs centaines de milliards d’euros. (...)
Le 13 mai, le président américain Donald Trump a annoncé la levée formelle des sanctions financières américaines alors que la Syrie fait l’objet de sanctions internationales depuis 1979. Celles-ci ont été renforcées après la répression par le pouvoir de Bachar Al-Assad de manifestations prodémocratie en 2011, élément déclencheur de la guerre.
Quelques jours plus tard, le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, a indiqué que le département du Trésor et le département d’État mettaient "en œuvre des autorisations pour encourager de nouveaux investissements en Syrie".
Le 20 mai, l’Union européenne a, à son tour, annoncé la levée de toutes les sanctions économiques contre la Syrie mises en place sous le pouvoir Assad. Cette levée des sanctions concerne essentiellement le système bancaire syrien, jusque-là interdit d’accès au marché international des capitaux. Elle prévoit également un dégel des avoirs de la banque centrale syrienne.
Ces mesures devraient permettre le retour des investissements en Syrie et la relance de l’économie mais il faudra des décennies pour que le pays se remette de ces années de conflits.