
Alors qu’Europe Écologie-Les Verts (EELV) s’apprête à se refonder, des militants extérieurs tentent de faire évoluer le parti sur son rejet du nucléaire civil. Un basculement qui perturbe les cadres historiques et témoigne d’un nouveau rapport de force sur le sujet.
Mais jusqu’où les cadres de l’organisation sont-ils prêts à aller pour faire maison commune ? Iraient-ils, par exemple, jusqu’à revenir sur leur position anti-nucléaire historique ?
C’est la question que leur posent avec insistance des personnalités qui disposent d’une audience importante hors des murs du parti et qui s’organisent collectivement pour peser sur sa ligne. (...)
À deux semaines de la convention de Pantin, des voix s’élèvent toujours pour que le parti ne se ferme pas à cette frange pronucléaire de ses sympathisant·es. « Il y a une approche pronucléaire progressiste, de gauche et écolo. J’appelle EELV non pas à être pour le nucléaire, mais à ce qu’on puisse marcher main dans la main pour l’écologie politique », plaide ainsi Camille d’« Après l’Effondrement ».
Il a d’ailleurs signé un « appel de militants écologistes à EELV » (à l’initiative de sympathisant·es d’EELV, membres d’associations comme le Shift Project, La Fresque du climat ou Pour un réveil écologique), qui circule ces derniers jours sur X et devrait être publié avant le 14 octobre, demandant au parti de « remettre en question [le] refus par principe de certaines technologies comme le nucléaire civil ou les OGM ». « Ces questions doivent pouvoir être débattues au sein du mouvement, ou tranchées par le peuple français », défend l’appel.
Nicolas Barla, élu EELV à la Métropole de Lyon (Rhône) – connu en interne pour ses positions pronucléaire –, l’a signé, de même que Léa Falco, membre du collectif Pour un réveil écologique, dont le manifeste a été signé par 33 000 étudiant·es (...)
Non seulement l’industrie de l’atome a donc réussi à se replacer au centre de la politique du gouvernement (lire l’article de Jade Lindgaard), mais petit à petit, elle étend son aire d’influence jusque dans des sphères écologistes, qui y ont longtemps été hermétiques. « On n’a pas perdu la bataille de l’opinion, mais le travail de Jean-Marc Jancovici a beaucoup participé à une banalisation du nucléaire, admet François Thiollet. Il y a donc un écart entre l’électorat écologiste, bienveillant à l’égard du nucléaire perçu comme une solution immédiate à la décarbonation, et les militants écologistes chez qui ça ne bouge pas beaucoup. »
À l’intérieur du parti, celles et ceux qui se sont éveillés à l’écologie dans les luttes contre les centrales de Plogoff (Finistère), de Creys-Malville (Isère) ou encore de Carnet (Loire-Atlantique) dans les années 1970 persistent et signent, tandis qu’à l’extérieur, ce positionnement est moins audible des jeunes générations. (...)
Pour les écologistes d’EELV, le nucléaire est pourtant une réponse trompeuse à l’impératif climatique : il coûte cher, absorberait les investissements possibles dans la recherche sur les énergies renouvelables, sa résilience face au dérèglement climatique n’est pas assurée et, surtout, les nouveaux réacteurs ne seraient mis en service qu’en 2040. « Le nucléaire donne le sentiment à une majorité de gens que la transition écologique va être réglée de manière simple, alors qu’on doit changer radicalement le mix énergétique, changer nos modes de production et de consommation. Quand tout ton système est basé sur la croissance perpétuelle, le nucléaire est la solution la plus facile, mais c’est une illusion », analyse Ali Karakiprik.
La revanche des « nucléaristes »
Du côté du mouvement climat, Pauline Boyer, chargée de campagne énergie à Greenpeace, constate des évolutions similaires (...)
Récemment encore, le réalisateur Cyril Dion a fait l’objet d’un déferlement d’insultes sur X pour avoir critiqué l’énergie nucléaire dans « Quotidien ». « On doit expliquer en permanence comment faire sans l’énergie nucléaire pour limiter le réchauffement climatique, alors que la question, c’est comment on fait avec. Ils ont réussi à inverser la question », déplore Pauline Boyer. (...)
Ce coup de force n’est pas étranger au contexte dans lequel les jeunes générations se politisent sur la question écologique. La peur liée à la catastrophe climatique déjà là surpasse désormais celle suscitée par le risque d’accident nucléaire. « Les problèmes climatiques sont devant nous, on les a en plein dans la gueule, alors que le nucléaire n’a jamais causé d’accident majeur en France », résume le physicien Jean-Marie Brom, militant antinucléaire historique et membre de La France insoumise (LFI) – un mouvement qui n’est pas épargné par la revanche des « nucléaristes » (...)
Désormais, des militants pronucléaire relèvent chaque signe d’affaiblissement de ce qu’ils considèrent comme un « dogme » à EELV. (...)