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Sous pseudo, un proche de Bayrou dénigre des lanceurs d’alerte et victimes de Bétharram
#Betharram #Bayrou #Mediapart #enseignementprive #viols #agressionssexuelles #malatraitances
Article mis en ligne le 8 juin 2025
dernière modification le 7 juin 2025

Porte-parole du collectif des victimes et conseiller municipal à Pau, Alexandre Perez se démultiplie sous une fausse identité pour attaquer les témoins qui ont mis en difficulté François Bayrou.

Le poison de la calomnie, par petites doses et derrière un pseudonyme. Une des figures du collectif des victimes de Bétharram, qui présente la particularité de siéger dans la majorité de François Bayrou à la mairie de Pau, a utilisé un compte anonyme sur les réseaux sociaux pour tenter de dénigrer plusieurs témoins clés de l’affaire, d’après une enquête de Mediapart.

Élu dans la capitale du Béarn depuis 2014, où François Bayrou l’a élevé au rang de conseiller délégué aux travaux (moyennant 933,46 euros d’indemnités par mois), Alexandre Perez a progressivement pris du galon au sein du collectif créé fin 2023 par le lanceur d’alerte Alain Esquerre, au point d’en être devenu l’un des « porte-parole » officiels ces dernières semaines.

Omniprésent dans les médias, où il s’astreint avec une discipline de soldat à toujours prendre la défense du premier ministre, l’élu se démultiplie aussi sur Facebook pour mettre en cause celles et ceux qui soulignent les erreurs et mensonges de François Bayrou dans la gestion de l’affaire. Pour ce faire, Alexandre Perez utilise en parallèle de son profil officiel un compte plus discret, anagramme de son nom, « Lazare de Perenx », dont il a fini par reconnaître la paternité au cours d’un échange avec Mediapart (...)

L’ancienne professeure Françoise Gullung, qui a témoigné sous serment avoir alerté François Bayrou des violences dans l’établissement dès les années 1990, le gendarme Alain Hontangs, qui a fait état d’une possible intervention de l’élu béarnais dans une enquête pour viols, le juge d’instruction Christian Mirande, qui a confirmé un rendez-vous secret pendant des investigations, etc. : les attaques formulées par Alexandre Perez n’épargnent personne.

Des victimes violemment attaquées (...)

« Pauvre type égoïste », écrit « Lazare de Perenx » à l’égard de ce septuagénaire qui a manifesté seul pendant des années avant d’être indemnisé pour les viols subis à l’adolescence, en lui lançant : « prends ton suppo et va au lit. C’est l’heure ». « T’as rien fait en 30 ans », accuse-t-il encore en s’adressant à une autre victime, Marc Lacoste-Séris, qui avait fait condamner un surveillant de Bétharram en 1996 après avoir perdu une partie de l’audition, mais dont l’attitude ne va désormais pas dans le sens d’Alexandre Perez. (...)

Sur Facebook, « Lazare de Perenx » se montre aussi très offensif contre les élus qui se sont emparés du dossier à l’Assemblée nationale. « Ce qui est dommage c’est que cette commission [d’enquête] ne serve qu’à déboulonner Bayrou et pas à aider les victimes »

L’élu palois attaque aussi la députée PS des Pyrénées-Atlantiques Colette Capdevielle et le conseiller écologiste Jean-François Blanco, qui ont tous les deux défendu des victimes de Bétharram en tant qu’avocat·es dans les années 1990. Mais les propos les plus acerbes sont assurément ceux qu’il tient contre l’ancien gendarme Alain Hontangs, dont le témoignage sous serment devant l’Assemblée nationale le 10 avril a fait l’effet d’une bombe. (...)

De fausses accusations contre un gendarme (...)

Auprès de Mediapart, le fondateur du collectif, Alain Esquerre, confirme qu’Alexandre Perez a pu « se faire allumer » par d’autres victimes en raison de ses interviews pro-Bayrou. « Mais Alexandre, il ne représente que lui-même », affirme Alain Esquerre, en insistant sur la difficulté à structurer le combat des victimes. « Il n’y a pas d’association, pas de contrat, pas d’organisation, pas d’élections pour le moment, et beaucoup de colère, c’est extrêmement compliqué », développe-t-il.

Les liens Bayrou-Perez avaient déjà suscité des questionnements lors de la première rencontre entre le maire de Pau, qui avait jusqu’ici ignoré les dénonciations des victimes de Bétharram, et neuf représentants du collectif, le 15 février. Membre de cette délégation, Alexandre Perez a ensuite affirmé à qui voulait l’entendre qu’il avait lui-même conseillé à François Bayrou d’organiser ce rendez-vous pour faire retomber la pression – ce qui n’est pas corroboré. « Je ne sais pas qui manipule qui, lui ou Bayrou », s’interroge une victime de premier plan. À moins que les deux élus aient des intérêts convergents. (...)

Effacé à la mairie de Pau, Alexandre Perez a pris publiquement la main lorsque François Bayrou a été mis en cause par son opposition locale, lors du conseil municipal du 24 mars. « Je ne suis là pour défendre personne, mais pour vous expliquer comment ça s’est passé », a-t-il alors expliqué, avant de cibler les élus qui demandaient des comptes à son maire. Et c’est encore lui qui a organisé, le 30 avril, un rendez-vous à Matignon dans le bureau de François Bayrou avec Alain Esquerre et Constance Bertrand, porte-parole du collectif des victimes de Saint-Dominique de Neuilly.

Cette initiative cavalière a provoqué d’importantes tensions internes révélées par Le Canard enchaîné ou Libération. « Ils ont été reçus à Matignon sans prévenir personne. On leur a demandé des explications, ce qu’ils n’ont pas apprécié », confirme un membre du collectif de Notre-Dame-de-Garaison, dans les Hautes-Pyrénées. Une autre victime de ce groupe s’étonne aussi de l’attitude d’Alexandre Perez, qui aurait expliqué « qu’il ne fallait pas parler de Bayrou aux journalistes » ni « politiser le combat » lorsqu’ils ont déposé leur premières plaintes, le 26 mars à Tarbes. Interrogé sur ces propos, l’élu explique ne les avoir pas tenus, invitant « chacun à se hisser au niveau du sujet ».