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Sans argent ni papiers, les travailleuses domestiques migrantes piégées dans le chaos libanais
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #hezbollah #Liban #migrantes #immigration
Article mis en ligne le 9 octobre 2024

Suzanne accueille 31 compatriotes sierra-léonaises dans son petit appartement de Bourj Hammoud, le quartier arménien situé au nord de Beyrouth, en zone "sûre". Elles sont venues se réfugier chez cette Sierra Léonaise de 30 ans, venue travailler dans le pays du Cèdre en 2020, et ainsi fuir les bombardements quotidiens qui pleuvent sur le sud du Liban et la banlieue sud de Beyrouth depuis le 23 septembre. "Il y a des femmes de Tyr, Nabatieh, Dahieh, abandonnées par les familles chez qui elles travaillaient, sans aucun endroit où se réfugier", explique Suzanne.

L’une d’elles a même vu une frappe israélienne détruire l’immeuble en face de chez elle, à Dahieh, dans la banlieue sud de Beyrouth, et sa ’madame’ fuir la zone en la chassant de chez elle, dans la rue", explique Suzanne, avant de lancer un appel à l’aide. Sans argent, elle n’a plus de travail à cause de la situation guerre, elle qui travaillait en "indépendante" chez plusieurs familles. Elle a cruellement besoin de nourriture, de matelas et de couvertures pour elle et ses "sœurs", qu’elle n’entend pas rejeter à la rue. (...)

Elles seraient 250 000 au pays du Cèdre, venues d’Afrique et d’Asie pour travailler dans des maisons sous le système de la "kafala", assimilé à une forme moderne d’esclavage en raison de l’instauration d’un lien de subordination de la domestique envers un garant.

L’ONU a déjà tiré l’alarme, se déclarant particulièrement préoccupée par le sort des travailleurs migrants du Liban – dont beaucoup sont des employées de maison – qui se sont retrouvés sans ressources en raison des déplacements massifs. (...)

Elles viennent d’Éthiopie, du Kenya, du Sri Lanka, du Soudan, du Bangladesh et des Philippines. Et elles aussi ont été profondément affectées par la violence dans le pays", a déclaré, le 4 octobre, Mathieu Luciano, chef du bureau libanais de l’Organisation internationale pour les migrations.

C’est dans cette situation que Nasri Sayegh a retrouvé plusieurs femmes, assises en pleine nuit avec leurs maigres affaires sur le trottoir adjacent à la plage de Ramlet el Baïda, au sud de Beyrouth, en face du consulat de Sierra Leone. (...)

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Il découvre des femmes esseulées, "de toutes les couleurs, les plus vulnérables parmi les vulnérables". L’artiste écrivain de 45 ans, qui se définit avant tout comme "un Beyrouthin inquiet par le statut des personnes tétanisées par l’horreur israélienne", lance alors un appel à l’aide sur les réseaux sociaux.

Deux Libanaises lui répondent – "pas des justes, mais des sublimes", selon lui – et, en une journée, transportent une soixantaine de femmes dans une école publique mise à disposition par le gouvernement libanais pour accueillir les déplacés de guerre, à Tripoli, dans le nord du pays. Elles rejoignent ainsi plus de 165 000 déplacés accueillis dans 800 abris collectifs à travers le pays.

Le répit est de courte durée. Les bombardements intensifs qui se poursuivent dans le Sud, dans la vallée de la Bekaa, à Beyrouth et dans d’autres régions, font grossir les rangs des personnes privées de toit. Les abris sont pleins et la priorité est donnée aux Libanais par le gouvernement. "Le lendemain, le centre de Tripoli nous a demandé de repartir parce qu’ils voulaient faire de la place pour des Libanais et donc on les a déplacées de nouveau à Beyrouth", explique Dea Hage Chahine, une activiste de 30 ans. "Et c’est à ce moment-là, qu’on a réalisé qu’il y avait nulle part où les placer." (...)

Sans argent, les travailleuses migrantes n’ont souvent plus leur passeport en leur possession, confisqué à leur arrivée dans le pays par leur garant, ou seulement une photo de celui-ci sur leur téléphone.

"On a aussi besoin que la Sûreté générale se coordonne avec le consulat pour avoir des visas de sortie, des laissez-passer pour qu’elles puissent voyager", explique Dea Hage Chahine. Elle précise que les fonds récoltés serviront à payer les formalités administratives et le transport, à savoir un bateau jusqu’en Turquie puis un voyage en avion dans leur pays d’origine. Nasri Sayegh estime que 80 % des travailleuses migrantes sierra-léonaises souhaiteraient rentrer chez elles.

Suzanne, elle, ne veut pas rentrer en Sierra Leone, vu la situation dans son pays natal. Alors, elle reste dans l’appartement, où elle se sent en relative sécurité. "La situation est tellement mauvaise pour nous. Il n’y a plus de travail, et nous vivons dans la peur de la guerre, en redoutant que le propriétaire nous expulse si l’on fait trop de bruit." Quant au consulat de Sierra Leone, elle n’en attend rien. "Il n’y a rien ni personne qui puisse nous aider là-bas", dit-elle.

Dea Hage Chahine en appelle de son côté aux organisations internationales. (...)

Je me retrouve, moi – un individu volontaire –, à devoir faire le travail du gouvernement, du consulat, et de ces organisations, alors que ce n’est pas à moi de le faire. Heureusement, j’ai un réseau qui peut m’aider et me soutenir, mais les femmes que nous aidons ne constituent qu’une goutte d’eau dans un océan de besoins."