
Les agressions verbales, dont des injures à caractère racistes, de la part des usagers seraient devenues monnaie courante au sein du musée Gustave Moreau à Paris. La CGT pointe l’inertie de la direction face à ces faits, ainsi qu’une « politique de gestion brutale et autoritaire ». Ce que cette dernière nie auprès de « l’Humanité ».
Nous sommes le 20 mars 2025 : les visiteurs du musée national Gustave Moreau (Paris 9e) se pressent aux portes de l’établissement public situé dans l’ancien atelier du peintre symboliste, découvrent que des salles d’exposition sont fermées en raison des sous-effectifs, s’énervent, invectivent le personnel chargé de les recevoir, y vont de leur couplet contre les fonctionnaires, tout en tentant de forcer l’entrée.
C’est la délétère routine qui, depuis plusieurs mois, constituerait le quotidien des agents, dont la majorité (actuellement environ 9 grévistes sur les 15 agents du musée) sont en grève quasi continue depuis octobre 2024, pour réclamer des renforts et la pérennisation des contrats précaires, légion au sein de l’établissement – auquel est aussi rattaché le musée national Jean-Jacques Henner (17e arrondissement).
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« Tout marche un peu à l’envers »
Ce 20 mars, en fin de journée, un palier est cependant franchi dans la violence : Yvonne (le prénom a été modifié), agente d’accueil noire de peau, entend ces mots – « Sale négresse » – lancés par une visiteuse frustrée de ne pouvoir accéder à la salle d’exposition. Yvonne est à ce moment-là seule à faire face à cette agression raciste et la visiteuse repart tranquillement, rapporte auprès de l’Humanité la victime, dont le témoignage est corroboré par le Syndicat national des musées et domaines de la CGT (SNMD) et par une militante syndicale de SUD.
Ce genre d’agressions verbales, en toute impunité, serait devenu le lot courant du personnel du musée où, depuis plusieurs mois, « tout marche un peu à l’envers », selon l’expression d’Yvonne. À commencer par l’attitude de la direction, qui n’aurait, selon la CGT, jamais pris la mesure de la gravité de ces faits, laissant les victimes dans « un sentiment d’abandon », comme cela a été consigné dans un compte rendu de CSA extraordinaire convoqué le 4 avril 2025 que l’Humanité a pu consulter.
On peut y lire : « à la demande unanime des représentants du personnel, à la suite d’une série d’incidents graves liés à des agressions verbales et injures à caractère raciste à l’encontre d’agents en fonction à l’accueil Vigipirate et s’étant retrouvés une fois de plus seuls ». (...)
« Des journées émaillées de micro-agressions » (...)
« Les journées sont émaillées de micro-agressions à caractère raciste et il y a des journées où vous avez franchement des agressions racistes brutales et crues », affirme le même élu CGT de la section qui, dans un mail consulté par l’Humanité, a signifié à Charles Villeneuve de Janti, peu avant la convocation du CSA extraordinaire, ne pouvoir se contenter, au vu de la gravité de la situation, d’une simple réunion, qui équivaudrait « à donner une tape dans le dos des victimes ».
19 CDD en quatre ans
Si selon Nathalie Ramos, secrétaire générale du SNMD CGT-Culture, les grèves se succèdent de façon chronique depuis plus d’un an, l’attitude de la direction face à ces agressions aurait été, selon Lucie (le prénom a été modifié), une militante de Sud, la cause du durcissement de la grève. « On s’est dit, à ce moment-là, que la direction n’en avait vraiment rien à faire de ce qu’on vit, qu’elle ne prendrait pas notre défense et qu’on n’avait pas d’autre choix que de se mobiliser pour réclamer de surélever le plafond d’emploi », affirme la jeune femme. (...)
Le dernier événement en date dénoncé par la syndicaliste témoigne de ce dialogue social détérioré. Lors des journées du patrimoine, il y a une semaine, la direction avait fait appel à des salariés prestataires, en plein mouvement social. En remplaçant des agents grévistes par des intérimaires, via la société « Marianne International », « non formées au métier d’agent d’accueil et de sécurité », la direction aurait, selon Nathalie Ramos, constitué une « grave entrave au droit de grève ».
Recours à un prestataire
Contacté à ce sujet, le ministère de la Culture a assuré que le directeur et le secrétaire général n’ont fait que répondre aux demandes des agents du musée qui les avaient alertés « sur la nécessité de prévoir des renforts en période de forte affluence ». Ajoutant que « deux cadres A étaient présents sur site chaque jour pour encadrer les équipes, et le recours ponctuel à un prestataire pour le contrôle d’accès a été adopté formellement en CSA le 3 juillet 2025. » (...)